Homélie du 16 mai 2021

Homélie du 16 mai 2021

A quoi ça sert, un Apôtre ? Pourquoi était-il nécessaire de remplacer Judas, qui s’en était allé à la place qui est désormais la sienne ? L’Apôtre, déclare Pierre, doit être témoin de la Résurrection du Seigneur. Témoin de la Résurrection du Seigneur ? Mais nul n’a vu le moment de la Résurrection, sauf peut-être les soldats qui gardaient le tombeau. A leur propos, nous savons seulement d’eux ce que nous dit l’Évangile de Matthieu : qu’ils ont accepté l’argent des grands prêtres et raconté que les disciples avaient volé le corps. Les beaux témoins que voilà !

Ni Matthias, ni aucun autre Apôtre n’aura à raconter comment s’est passée la Résurrection. Ce qu’on leur demande, c’est d’être les témoins oculaires et dignes de foi de la vie de Jésus depuis son Baptême jusqu’à son Ascension.

Pensons un instant à cette impression que nous avons tous ressentie en prenant conscience de l’historicité concrète d’un fait. Pour les plus jeunes, ce sera peut-être d’avoir vu en chair et en os un résistant ou un déporté. Pour les plus âgés, de réaliser un jour que Céline Martin, la sœur de sainte Thérèse, et Antoine Givre, le petit berger qui a indiqué à saint Jean-Marie Vianney le chemin d’Ars, sont tous les eux décédés en 1959, autrement dit hier. Le témoignage apostolique, c’est précisément cela : trouver devant soi un homme, un quidam, quelqu’un qui ne paie pas de mine, et qui dit pourtant avec assurance : « Celui que Jean a baptisé, celui que nous avons vu et entendu, avec qui nous avons vécu, avec qui nous avons marché et mangé et bu, celui que nous avons suivi et trahi, celui qui a été crucifié, est bien celui que nous revu et réentendu, celui avec qui nous avons à nouveau marché, mangé et bu, après sa Résurrection des morts, jusqu’au jour où il est monté au Ciel. Dieu a habité parmi les hommes, j’y étais. »

2000 ans se sont écoulés, et il ne faudrait pas que notre foi devienne une mythologie. Il n’est pas rare aujourd’hui d’entendre parler du message de Jésus, de sa sagesse, etc. Mais « la Vérité qui n’est pas une idée, une idéologie ou un slogan, mais une Personne, le Christ, Dieu Lui-même venu parmi les hommes ! » disait Benoît XVI aux JMJ de Madrid. Jésus n’est ni un maître de sagesse, ni un philosophe éclairé : il est le Fils de Dieu. Le christianisme n’est pas un message, ni une religion du livre, mais le témoignage d’un événement historique.

Les Apôtres garantissent notre foi contre le danger de devenir une mythologie. Les mythes sont tout à fait précieux. Au fil des millénaires, les sages ont employé les mythes, les contes ou les fables pour illustrer des vérités intemporelles. Pensons à titre d’exemple au mythe du roi Midas. On raconte qu’il obtint de transformer en or tout ce qu’il touchait et manqua mourir car même sa nourriture se transformait en or ; cela pour nous apprendre que la richesse ne doit pas nous faire perdre de vue l’essentiel.

Les Apôtres du Christ, eux, ne sont pas des sages, mais des témoins : « Voici ce qui s’est passé, voici ce que Dieu a fait, voici ce qu’Il a dit. » Notre foi est la foi en Dieu qui est intervenu dans l’histoire humaine une fois pour toutes. Certes, Dieu a parlé aux hommes, mais il a d’abord et avant tout agi.

Que faire de cela ?

D’abord en faire mémoire. C’est ce que nous faisons en revenant sans cesse au témoignage des Apôtres. Voilà ce que Jésus, le Christ, le Seigneur, a fait sous les yeux de M. Pierre, M. Jean, M. Matthias. Quelles sont les conséquences pour moi, aujourd’hui ? Exemple : « La mort, personne n’en est jamais revenu… » : un homme, une femme, qui accorde sa foi au témoignage des Apôtres peut-il encore dire cela ? Quelles conséquences en tirer ? Cela nous invite à sans cesser faire effort avec notre intelligence pour mieux comprendre, mieux recevoir le témoignage apostolique. Puisque Jésus a fait tout ce qu’il fait et dit tout ce qu’il a dit, comment ne pas le remercier, le prier, lui demander avec confiance ?

Faire mémoire, c’est ce que nous faisons par excellence dans l’Eucharistie : ici et maintenant, Dieu agit comme il a sur le Calvaire il y a 2000 ans. Dieu est intervenu une fois pour toutes à une époque qui est terminée, close et révolue. Lorsque les chrétiens qui ont conservé la succession apostolique célèbrent l’Eucharistie du Seigneur, cela n’a rien à voir avec une reconstitution historique : nous sommes comme ramenés en ces jours-là, témoins de l’œuvre de Jésus qui nous fait passer de ce monde à son Père.

Enfin, le témoignage des Apôtres nous ouvre un avenir, une espérance. « Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel », avons-nous entendu au jour de l’Ascension. Depuis le jour où, sous les yeux de M. Pierre, M. Jean et M. Matthias, Jésus est monté au Ciel, il y a désormais une place pour l’homme au cœur même de la Trinité. Cela ne doit pas nous rendre orgueilleux ou présomptueux : si Judas, pourtant l’un des Douze, a pu s’égarer, combien plus devons-nous rester humbles. Cela doit encore moins nous inquiéter ou nous désespérer puisque Jésus lui-même prie le Père pour nous.

Alexandre-Marie Valder, prêtre.