Invités à faire Alliance
« Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. » Une trentaine d’années après la mort de Jésus, Paul constate que les Corinthiens qui se réunissent pour le repas du Seigneur offrent le témoignage d’une communauté divisée et centrée sur elle-même. Voilà pourquoi Paul leur rappelle le sens de l’Eucharistie. Chaque génération – et la nôtre n’y échappe pas – a besoin de redécouvrir le trésor que le Seigneur nous a laissé.
« Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. » Dans la lettre qu’il a consacrée à la formation liturgique du peuple de Dieu, le pape François a cette parole forte : « Le contenu du Pain rompu est la croix de Jésus, son sacrifice d’obéissance par amour pour le Père (Desiderio desideravi n°7). »
« Le contenu du Pain rompu est la croix de Jésus », c’est-à-dire un mystère d’amour jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême. Dans la croix de Jésus, donc dans l’Eucharistie, il y a tout le mystère de la vie, de la mort et de la résurrection ; il y a tout le mystère de la vie reçue de Dieu, offerte à Dieu, et reçue de Dieu à nouveau, éternelle, indestructible ; il y a tout le mystère de Pâques.
Frères et sœurs, juste après les mots que nous avons entendus dans la deuxième lecture, Paul invite les chrétiens à ne pas recevoir à la légère le corps et le sang du Seigneur. Il ne s’agit pas d’une quelconque pruderie, d’une crainte de l’impureté, d’une peur du sacrilège ou de l’indignité de celui ou celle qui recevrait l’Eucharistie. En fait, il est question d’une promesse et d’une alliance.
Je nous rappelle les mots du pape François : « Le contenu du Pain rompu est la croix de Jésus. » À propos du prêtre qui célèbre l’Eucharistie, le pape François écrit : « Il ne peut pas dire : “Prenez, et mangez-en tous : ceci est mon Corps livré pour vous”, et ne pas vivre le même désir d’offrir son propre corps, sa propre vie, pour le peuple qui lui est confié (Desiderio desideravi n°59). » Ce n’est pas un hasard si, chaque année, c’est en lien avec le jeudi saint que les prêtres renouvellent leur promesse de servir le Christ et l’Église. L’Eucharistie que nous célébrons nous engage à donner notre vie chaque jour.
Mais en fait, il en va de même pour tout baptisé, qu’il soit clerc, consacré ou laïc. Chaque eucharistie nous engage. Celui qui s’avance pour recevoir le Christ présent dans l’Eucharistie est semblable à l’auteur du psaume qui disait : « Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce, j’invoquerai le nom du Seigneur. Je tiendrai mes promesses au Seigneur, oui, devant tout son peuple. » De quelle promesse s’agit-il ?
Je réponds à cette question par une autre : frères et sœurs, pourquoi Jésus s’offre-t-il à nous dans l’Eucharistie ?
Si Jésus se donne à nous, c’est pour que nous soyons transformés en lui. Cela vaut lorsque nous recevons le baptême, la confirmation ou un autre sacrement, à chaque fois que nous nous confessons, à chaque fois que nous communions. Chaque sacrement est une rencontre avec le Seigneur Jésus qui demande :
« Veux-tu faire alliance avec moi ? Veux-tu être transformé en moi ? Veux-tu vivre dans l’obéissance à ce commandement nouveau ? Veux-tu aimer de cet amour dont j’ai montré l’exemple en servant et en donnant ma vie ? Veux-tu aimer les tiens qui sont dans le monde, et les aimer jusqu’au bout ? Veux-tu vivre avec moi, mourir avec moi et ressusciter avec moi ? »
Par conséquent, communier au corps et au sang du Seigneur n’est pas une formalité, nous le savons bien. C’est accepter de faire un pas de plus dans cette alliance. Nous nous avançons et nous répondons « Amen. » « Amen », c’est-à-dire « Je crois, c’est fiable, c’est du solide, j’adhère, j’ai confiance. » Il y a cela dans chacun de nos « Amen », en réponse aux prières de la messe, en réponse aux bénédictions, en recevant les sacrements : « Oui Seigneur, j’ai confiance en toi, je souscris à ton alliance, je promets d’y être fidèle. » Samedi soir, comme chaque année, nous renouvellerons ensemble les promesses de notre baptême en rejetant le péché et en professant notre foi en Dieu. »
Nous le chantons parfois à la messe ; lorsque nous communions, nous devenons ce que nous recevons : le corps du Christ.
Mais n’est-ce pas trop grand pour les petits humains que nous sommes ? Si, parfaitement ! N’allons surtout pas sombrer dans le découragement : c’est le Seigneur lui-même qui nous fait la grâce de tenir nos promesses.
Au jour de notre baptême, le Seigneur a fait comme pour Pierre et les autres : il nous a lavés afin que nous ayons une part avec lui, afin que nous soyons en lui et lui en nous. Au jour de notre confirmation, il a ravivé en nous le don de l’Esprit Saint. Dans l’Eucharistie, le Seigneur Jésus se donne à nous en nous ayant déjà rendus capables de le recevoir.
« Le contenu du Pain rompu est la croix de Jésus. » Frères et sœurs, émerveillons-nous du don que le Seigneur nous fait. La liturgie de l’Église est toujours une rencontre avec le Seigneur vivant. Cette rencontre, si elle est authentique, ne peut pas nous laisser inchangés. « Ne rentrez pas chez vous comme avant », chantons-nous parfois à la fin des messes.
Le Seigneur Jésus ne demande que notre bonne volonté, c’est-à-dire, comme écrit le pape François, « s’abandonner à son amour, se laisser attirer par lui. Il est certain que toute réception de la communion au Corps et au Sang du Christ a déjà été voulue par Lui lors de la Dernière Cène (Desiderio desideravi n°6). »
Père Alexandre-Marie Valder