»Je suis venu apporter le feu sur la Terre … »

 »Je suis venu apporter le feu sur la Terre … »

Lorsque nous préparons les adolescents à la Confirmation, nous leur faisons découvrir les symboles qui nous font connaître qui est l’Esprit Saint. Le feu est l’un de ces symboles, le feu qui tombe sur les apôtres au jour de la Pentecôte et qui transforme des hommes timorés en courageux disciples-missionnaires, le feu allumé un jour à Jérusalem qui va se propager jusqu’aux extrémités de la terre et renouveler le vieux monde païen.

« Je suis venu apporter un feu sur la terre, disait Jésus, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » Au dire de Jean le Baptiste, Jésus est celui qui doit venir pour baptiser dans l’Esprit Saint et dans le feu. Même si nous avons été baptisés avec de l’eau, en réalité nous avons été baptisés dans l’Esprit Saint et dans le feu, nous avons été baptisés en Dieu.

Déjà dans l’Ancien Testament, le feu représentait la sainteté de Dieu, sainteté à la fois bienfaisante et effrayante. Parmi les quelques paroles qui se trouvent à la fois dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, on en trouve une qui dit ceci : « Notre Dieu est un feu dévorant. » (Dt 4, 24 ; He 12, 29) Bien entendu, cela ne signifie pas que Dieu soit fait de feu. Cependant, parmi toutes les créatures, le feu est l’une de celles qui disent le mieux qui est Dieu pour nous.

Parcourons rapidement l’Ancien Testament. Lorsque le Seigneur fait alliance avec Abraham, il demande à celui-ci de partager en deux plusieurs animaux. Alors le Seigneur passe au milieu des carcasses sous la forme d’une torche enflammée. Nous connaissons aussi la rencontre du Seigneur avec Moïse, dans la flamme du buisson ardent et, lorsqu’il délivre le peuple d’Israël de l’esclavage en Egypte, c’est sous la forme d’une colonne de feu qu’il marche à leur tête. C’est encore dans le feu que le Seigneur donne la loi à Moïse sur le Sinaï, qu’il répond à la prière du prophète Elie sur le mont Carmel et qu’il emporte ce même Elie au ciel dans un chariot de feu. C’est enfin par le feu d’un charbon ardent que les lèvres du prophète Isaïe sont rendues aptes à annoncer les oracles du Seigneur.

 

De la même manière que le feu, le Seigneur repousse au loin les ténèbres, il réchauffe ce qui est froid, il réconforte et il rassure. Cependant, l’actualité nous montre bien qu’on ne peut pas traiter le feu à la légère, car il ne laisse rien intact de ce qu’il touche. De la même manière, le Seigneur ne peut pas être traité à la légère, comme un simple outil, un moyen au service de nos petits désirs.

Celui qui fait alliance avec le Seigneur – autrement dit : celui qui répond sérieusement aux exigences de son baptême – Dieu ne le laisse pas intact. Comme l’enseignait Ste Jeanne de Chantal : « C’est que le divin amour fait passer son glaive dans les plus secrètes et intimes parties de nos âmes et nous sépare nous-mêmes de nous-mêmes. Je sais une âme, laquelle l’amour a séparée des choses qui lui ont été plus sensibles que si les tyrans eussent séparé son corps de son âme par le tranchant de leur épée. » Parfois, comme nous en avertit Jésus dans l’Évangile, répondre à l’amour de Dieu nous met en porte-à-faux avec nos amis et notre famille. Notre Dieu est un feu dévorant qui ne nous laisse pas intacts.

Les théologiens ont employé différentes images pour dire ce que le feu de Dieu produit dans l’âme. Nos péchés sont comme une rosée que le feu divin dissipe. Nous sommes parfois comme une bûche humide jetée dans la cheminée, qui fume et qui craque et, lorsque le feu a enfin éliminé en elle la saleté et l’humidité, elle produit des flammes fortes et claires. Nous sommes parfois comme un métal mêlé de résidus que l’on éprouve au creuset pour le purifier de ses scories. Nous pouvons aussi être comme un fer mis à la fournaise : comme le fer devient rouge et brillant comme le feu, tout en restant du fer, ainsi nous sommes appelés à devenir semblables à Dieu sans pour autant cesser d’être nous-mêmes.

 

L’image du feu nous fait aussi comprendre ce qu’on pourrait appeler l’intransigeance de Dieu. Le feu ne consume pas les choses à moitié. Le Seigneur non plus ne transige pas : il s’est donné à moi tout entier sur la croix – il se donne à moi tout entier dans chaque Eucharistie – et il ne veut rien de moins que ma personne tout entière.

Celui qui aime vraiment ne peut pas ne pas s’indigner, s’emporter et déployer tous ses efforts pour détruire ce qui menace l’être aimé. Regardons quelle énergie les parents emploient à défendre leur enfant, réentendons les colères mémorables de l’abbé Pierre ou de S. Jean-Paul II ! Le feu dit aussi quelque chose de cette colère de Dieu contre ce qui menace ses enfants : le péché et tout ce qui nous y attache, et quelle puissance le Seigneur déploie pour nous en arracher, parfois même en nous bousculant sans ménagement.

Le Seigneur désire ardemment, il désire d’un grand désir, s’approcher de chacun de nous pour nous transformer en lui, nous rendre participants de sa nature divine. Cette proximité de Dieu est d’abord bienfaisante, mais elle est aussi très exigeante, si bien que certains pourront la refuser et choisir les ténèbres. C’est ce que Jésus dit par ailleurs dans l’Évangile de Jean (Jn 15, 22) : « Si je n’étais pas venu, si je ne leur avais pas parlé, ils n’auraient pas de péché. »

Notre Dieu est un feu dévorant. Ce feu que Jésus vient allumer sur la terre, c’est lui-même, sa présence. C’est comme s’il disait : « Je suis venu accomplir l’ultime pas pour m’approcher de l’humanité que j’aime tant. Hélas, certains me rejetteront, et ma présence sera pour eux comme un feu qui brûle et qui fait souffrir. Pour beaucoup, ma présence sera comme le feu du creuset qui éprouvera le fond de leur être et qui les purifiera. Il leur faudra même souffrir incompréhension et hostilité de la part des hommes, y compris dans leur famille. C’est pour ceux-là que j’accomplis ce pas, que je viens au contact de tous les hommes, afin que le feu de mon amour les consume et les rende semblables à moi, afin qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. »

Alexandre-Marie