« Je vous ai amenés jusqu’à moi »

« Je vous ai amenés jusqu’à moi »

La Bible ne tient pas de grands discours généraux sur Dieu ; elle raconte des histoires. Elle raconte comment le Seigneur est venu rencontrer des personnes concrètes, comment il leur a parlé, comment il les a touchées et transformées. Il le fait toujours par l’intermédiaire d’autres personnes.

Dans le livre de l’Exode, le Seigneur Dieu appelle Moïse auprès de lui sur la montagne, il lui confie un message, puis l’envoie au peuple d’Israël. C’est aussi ce que fait le Seigneur Jésus avec ses douze disciples dans l’Évangile d’aujourd’hui : il les appelle, leur donne le pouvoir d’exorciser et de guérir, puis il les envoie aux brebis perdues de la maison d’Israël. Pour Moïse comme pour les Apôtres, une même mission : parler au peuple, le rassembler et le reconduire vers son Seigneur.

Voilà pourquoi l’image du berger qui rassemble le troupeau et celle du pêcheur qui ramène les poissons dans son filet nous sont si chères.

Frères et sœurs, prenons un instant pour réentendre cette parole que le Seigneur adresse à Israël et à nous tous : « Je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle et vous ai amenés jusqu’à moi. » La semaine dernière, avec quelques adolescents de nos paroisses, nous avons passé vingt-quatre heures dans une abbaye. Chaque matin et chaque soir, l’abbesse, qui représente le Christ pour ses sœurs, chante le Notre-Père tandis que tous écoutent en silence, comme un signe très concret du Seigneur qui nous abrite sous l’aile de sa prière, et nous attire vers le Père.

D’ailleurs l’Évangile prenait la peine de citer le nom des douze apôtres ; nous les entendrons à nouveau dans la prière eucharistique. Le Seigneur vient à nous par des personnes concrètes : nos parents, notre conjoint, notre curé, etc. Aussi, prenons un instant, rendons grâce au Seigneur pour les personnes qu’il a mises sur notre route et grâce auxquelles il nous a amenés jusqu’à lui, rassemblés autour de Lui. Je nous fais entendre à nouveau quelques paroles du psaume : « Venez à lui avec des chants de joie… il nous a faits et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau. »

Parfois nos proches nous disent que cela ne sert à rien de prier ni d’aller à la messe, puisqu’il y a des braves gens qui ne vont pas à la messe et des c*ns qui y vont. Mais nous ne prions pas, nous ne participons pas à la messe, pour être gentils ; nous le faisons parce que Quelqu’un qui nous aime nous y appelle et nous y attend. Chaque fois que nous sortons de nous-mêmes pour aller vers le Seigneur, nous faisons un pas de plus vers le Royaume des Cieux qui s’est approché de nous. Nous ne sommes pas encore arrivés à destination, mais déjà nous marchons ensemble sur le bon chemin.

Une fois que le Seigneur nous a appelés, attirés, amenés jusqu’à lui, il ne nous laisse pas inchangés. Ecoutons à nouveau ce que le Seigneur dit à Israël par la médiation de Moïse : « Maintenant donc, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, vous serez mon domaine particulier parmi tous les peuples… vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte. »

Cela s’est accompli pour nous, au plus intime de notre être, le jour de notre baptême et de notre confirmation. Nous avons été agrégés à ce peuple de Dieu, ce royaume de prêtres, cette nation sainte. Chaque fois que nous participons à l’eucharistie, nous renouvelons notre attachement à ce peuple que nous appelons l’Église : nous écoutons ensemble la parole de Dieu, nous confessons notre foi, nous prions pour le monde, nous communions au Corps et au Sang du Christ.

Saint Paul le dit d’une autre manière dans la lecture de la lettre aux Romains : « Nous n’étions capables de rien… nous étions des impies. » N’est-ce pas un peu exagéré ? Mais non ! C’est comme si Paul nous disait : « Autrefois, nous n’avions pas la capacité de recevoir Dieu en nous, tellement nous étions pleins de nous-mêmes. Mais Dieu nous a réconciliés avec lui, il nous a réorientés vers lui et il nous a rendus capables d’avoir part à la vie de son Fils. »

Frères et sœurs, dès maintenant, nous avons part à la vie du Christ ! Cette vie se déploie en nous selon trois dimensions que nous connaissons bien : sacerdotale, prophétique et royale. Nous sommes un peuple de prêtres, de prophètes et de rois.

La dimension sacerdotale de notre baptême nous concerne nous : elle nous rend capables d’une relation intime avec le Seigneur dans la prière. Nous pouvons en toute vérité appeler Dieu notre Père. Nous pouvons en toute confiance lui présenter les joies et les peines du monde entier, ce que nous faisons dans la prière universelle. Nous pouvons lui remettre nos vies tout entières, ce que nous faisons lorsque nous présentons le pain et le vin qui deviendront Corps et Sang du Christ. C’est là notre joie comme chrétiens, disciples du Christ prêtre.

La dimension prophétique de notre baptême nous rend capables d’écouter et de comprendre la Parole de Dieu. Lue et écoutée dans la foi, la Bible devient Parole de Dieu qui nous instruit et nous console. Savourons cette Parole. Ensuite, peut-être nous sera-t-il donné d’en témoigner auprès de nos frères et sœurs. C’est là notre joie comme chrétiens, disciples du Christ prophète.

Enfin, la dimension royale de notre baptême nous rend capables de lutter contre le mal et de nous mettre au service du bien. Jour après jour, nous désherbons patiemment notre cœur, en arrachant tout ce qui est colère, jalousie, convoitise, orgueil, etc. Le sacrement du pardon nous y aide. Jour après jour, nous semons, d’abord en nous et, si possible, dans les autres, des graines de patience, de douceur, de joie, de tempérance, de justice. C’est là notre joie comme chrétiens, disciples du Christ roi.

Frères et sœurs, je nous invite à trouver votre joie à avoir part à la vie du Christ, prêtre, prophète et roi. Soyons des intimes du Seigneur, des priants, des intercesseurs ; soyons des auditeurs de la Parole de Dieu, attentifs à discerner les signes de sa présence dans le monde et à témoigner de lui en paroles et en actes ; soyons des serviteurs qui s’efforcent de faire reculer le mal et de faire grandir le bien. Soyons dès aujourd’hui des signes vivants du royaume des cieux qui est tout proche.

Père Alexandre-Marie Valder