Jeudi Saint
Le jeudi Saint, nous remercions. Et c’est peu dire… Nous sommes animés d’une immense reconnaissance pour Celui qui nous a aimés jusqu’au bout. « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » (Jn 13). Alors on veut « rendre » tous les bienfaits à Celui qui nous a tout donné. Si tant est qu’on puisse rendre… un tel don qui nous dépasse tellement… Alors, animés par une telle gratitude, nous nous tournons vers Dieu, et « se tourner vers » Dieu, c’est le mouvement de conversion. Ici, c’est l’inverse de l’oubli. Aujourd’hui, en vivant ce mémorial de la Passion du Seigneur, j’accepte de vivre de Lui qui s’offre en nourriture et je rends grâce. C’est l’Eucharistie. Mystère – c’est à dire qu’on a jamais fini d’approfondir- de l’Alliance de Dieu avec les hommes, annoncée par Israël, accomplie en son Fils, Jésus-Christ.
Beaucoup plus, donc, qu’une simple commémoration, nous vivons à chaque Eucharistie cette Alliance de Dieu avec nous, consommée dans la communion: Dieu se livre entre nos mains, pour demeurer en chacun de nous, et nous faire partager sa vie divine. Le Christ, en s’offrant lui-même au Père, entre les mains du prêtre, s’offre pour ses disciples et pour la multitude. C’est le monde entier qui bénéficie ainsi de ce Salut, à fortiori si les chrétiens, animés par cet Amour jusqu’au bout de leur maître, ne gardent pas pour eux ce trésor, cette bonne nouvelle.
Ainsi, Jésus passe de ce monde à son Père, avec nous sur ses épaules, quitte à ce que ce soit une croix lourde, toute cette humanité souvent dure, résistante à son Amour. Les Hommes en ont-ils besoin, de son Amour? Si on ne se reconnaît pas blessé, en manque de l’amour vrai, entier, pur, authentique, gratuit, jusqu’au bout, alors il nous est très difficile d’avoir soif d’un tel Sauveur. Un Sauveur qui vient à nous désarmé, serviteur, s’agenouillant devant nous, nous suppliant d’avoir soif de Lui.
C’est donc au prix de sa vie, de son sang, que Jésus a payé. Il a payé non seulement, comme ça, pour des gens qu’il appréciait, … Mais pour des coupables. Il a payé la note! La note très salée de la casse, de nos guerres, de nos refus d’être ce que nous sommes, pourtant, au fond : des êtres de lumière, capable d’aimer vraiment, en vérité. Il a assumé, pris sur lui, jusqu’à ne pas répondre au glaive par le glaive, et donc jusqu’au sang, toutes ces conséquences du mal. En ce sens, son sang nous sauve.
Désormais, l’Alliance est scellée. Les Chrétiens vivant cette alliance, la célébrant, en sont le signe pour le monde. Au-delà leurs personnes. De nos personnes imparfaites. Dépassés par un si grand don qui ne peut venir que de Dieu ( ainsi, nous parlons de choses qui nous dépassent, que nous ne connaissons pas vraiment, et qui pourtant nous convoquent, nous interpellent, quoiqu’on en dise).
L’Alliance désormais est scellée sur cet engagement total de Dieu, en son Fils, de se lier à nous. Il s’est lié à nous de manière indéfectible. Lié à nous jusque dans notre mort… pour que même dans la mort, tout spécialement dans la mort, nous vivions de Lui.
…Vie nouvelle que nous puisons à chaque début de semaine, chaque dimanche, parce qu’on n’est pas la source nous-même: « le jour du Seigneur ». Le jour qui lève, le jour de notre vie nouvelle, enfle, prend de l’ampleur, se dilate en nous, tout spécialement à chaque Eucharistie, une aurore qui prend d’autant plus sa place que nous vivons le commandement nouveau: « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13).
Parce que je suis aimé par le Christ, alors que je ne suis pas meilleur que les autres, alors de cet Amour là, du Christ, j’aime à mon tour mon prochain, pas pire, pas meilleur que moi, et tout spécialement, l’un de ces « petits » auxquels Jésus s’est identifié.
Alors, oui, rendons grâce, remercions d’avoir un tel Sauveur qui nous fait vivre un tel repas de noce! …
« Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait?
J’élèverai la coupe du Salut, j’invoquerai le nom du Seigneur
Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens!
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur, moi, dont tu brisas les chaînes?
Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce, j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur, oui, devant tout son peuple. » (ps 115)
Père Marc Haeussler