Lettre de Monseigneur Jean-Louis Papin
A la suite des récents événements qui ont secoués notre Eglise de France, notre évêque a souhaité adresser une lettre aux diocésains. Vous la trouverez ci-dessous :
Nancy, le 13 novembre 2022
Chers frères et sœurs, chers amis,
De retour de Lourdes où s’est tenue l’assemblée plénière des évêques de France, j’éprouve le désir de vous rejoindre par cette lettre. Après les décisions prises et les chantiers ouverts en novembre 2021 suite au rapport de la Commission Indépendante sur les Abus sexuels dans l’Église (CIASE), cette assemblée s’annonçait paisible. Les révélations concernant Mgr Santier, ancien évêque de Créteil, puis celles concernant Mgr Ricard, ancien archevêque de Bordeaux, en ont décidé autrement, créant la stupéfaction et l’abattement chez la grande majorité des évêques qui ignoraient ces faits, mais également parmi les catholiques et au-delà. À ces révélations s’ajoutait le fait qu’une dizaine d’évêques retraités étaient ou avaient été impliqués à des titres divers dans des affaires analogues. Tout récemment, d’autres révélations concernant des prêtres étaient portées à notre connaissance par les médias.
Notre pensée va d’abord aux personnes victimes, durablement abîmées par ces agressions. Je comprends que beaucoup soient profondément choqués par ces révélations et s’interrogent sur la confiance qu’ils peuvent encore manifester à leurs pasteurs, évêques et prêtres. Le rapport de la CIASE n’a-t-il donc servi à rien ? Les décisions et orientations prises en novembre 2021 n’étaient-elles que du vent ? Certes, il y a encore beaucoup à faire et à changer.
Mais je puis attester que beaucoup a déjà été fait. Avant la publication de ce rapport, des cellules d’écoute des personnes victimes avaient été installées dans la plupart des diocèses. Le signalement aux procureurs de la République, dès la connaissance de faits d’agression, était devenu un réflexe chez les évêques. Neuf groupes de travail reprenant des préconisations du rapport de la CIASE sont actuellement à l’œuvre. Ils ont fait le point de leurs travaux lors de notre dernière assemblée et remettront leurs conclusions en mars 2023.
La plupart des diocèses, dont le nôtre, ont signé des protocoles avec les procureurs de la République pour le bon traitement des faits qui nous sont signalés. Une instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (INIRR) a été créée pour répondre aux demandes des personnes victimes d’agressions sexuelles au sein de l’Église. Un fonds de dotation, ayant récolté 20 millions d’euros, permet de répondre aux demandes de réparation 6, rue Girardet – B.P. 40260 – 54005 NANCY CEDEX – Tél. 03 83 17 26 27 financière et d’engager des actions de prévention. La création d’un tribunal pénal national canonique a été votée. Il entrera en fonction début janvier. Il évitera aux évêques de se trouver dans la situation d’être à la fois juge et partie. Les révélations récentes concernant des évêques nous ont permis de préciser les procédures pour leur traitement spécifique en lien avec le Saint-Siège.
Oui, beaucoup a été fait et il reste sans doute encore beaucoup à faire pour que notre Église soit une « maison sûre » où tous, en particulier les plus petits et les plus vulnérables, pourront grandir humainement et dans la foi sans être abîmés dans leur chair et dans leur âme. Le chemin pour restaurer la confiance des baptisés en leurs pasteurs sera long. C’est ensemble, baptisés laïcs, personnes engagées dans la vie consacrée, diacres, prêtres, évêques, qu’il nous faut travailler à créer les conditions d’une vie d’Église où chacun sera le plus possible à l’abri de telles agressions qui, lorsqu’elles se produiront, seront traitées en toute clarté, justice et vérité. Nous y sommes déterminés. J’entends et je lis, ces jours-ci, des déclarations englobant tous les évêques et tous les prêtres dans un même soupçon, une même honte et un même déshonneur. J’entends aussi des personnes témoigner de la confiance qu’elles gardent à des prêtres et à des évêques qu’elles côtoient, qui leur ont fait confiance et dont elles ont beaucoup reçu. S’il est vrai que les fautes et les crimes de quelques-uns éclaboussent l’ensemble du corps épiscopal et presbytéral, je redis ici ma totale confiance envers mes frères évêques et envers les prêtres de notre diocèse qui sont aussi mes frères. À ce titre, les auteurs de ces agressions demeurent des frères que nous devons accompagner sur la voie de la vérité, de la repentance et de la justice.
Lors de la dernière session diocésaine de rentrée pastorale, nous nous étions posés cette question : l’Église est-elle encore sainte ? Des catholiques nous disent qu’il leur est difficile aujourd’hui de confesser cette déclaration de notre Credo. Et pourtant, parce qu’elle est le Corps du Christ qui en est la pierre angulaire, et qu’elle est habitée par l’Esprit de sainteté, elle est et demeure à jamais la sainte Église de Dieu constituée des pécheurs que nous sommes. Nul d’entre nous n’est encore parvenu à la plénitude de la sainteté qui est notre vocation commune. Nous avançons sur ce chemin, cahin-caha, en nous en remettant jour après jour, avec l’aide des frères et sœurs, à la miséricorde de Dieu. C’est ainsi que l’Église deviendra un peu plus visiblement ce qu’elle est par nature, « resplendissante, sans tache ni ride, ni rien de tel… sainte et immaculée », ainsi que le Christ « voulait se la présenter à luimême » (cf. Éphésiens 5, 27).
En communion fraternelle.
+ Jean-Louis PAPIN,
Évêque de Nancy et Toul.