Nous entrons en Carême, nous, l’Église

Nous entrons en Carême, nous, l’Église

Chers frères et sœurs, nous entrons en Carême. Nous entrons en Carême, nous, l’Église. Le livre de Joël nous a fait entendre l’appel lancé à Israël à se rassembler pour revenir vers le Seigneur de tout cœur. Aujourd’hui, ce même appel nous a été adressé. Nous nous sommes réunis pour commencer ensemble notre chemin de retour à Dieu. Dans quarante jours, nous serons à nouveau convoqués par le Seigneur pour célébrer Pâques ensemble. Les six dimanches seront autant de points d’étapes pour nous retrouver et repartir au rythme des Évangiles qui seront proclamés : la tentation au désert, la Transfiguration, le dialogue avec la Samaritaine, la guérison de l’aveugle-né, le rappel à la vie de Lazare, la Passion.

Nous entrons en Carême : notre famille, notre paroisse, notre diocèse, l’Église entière. Nous marchons ensemble vers un but commun : Pâques. En marchant ensemble, nous nous soutiendrons les uns sur les autres, nous nous nourrirons des lectures et des homélies, des propositions de Carême à domicile ou en ligne. Nous marcherons ensemble.

 Nous marchons ensemble, cependant il revient à chacun de marcher pour lui-même. La démarche de la communauté doit conduire chacun à revenir personnellement au Seigneur. Dans les célébrations du pardon, nous écoutons la parole de Dieu ensemble afin que chacun puisse goûter personnellement au sacrement de la miséricorde de Dieu.

Les plus anciens ici ont connu un catholicisme de masse. À l’époque sans doute, on se laissait porter, on faisait comme tout le monde, on ne se posait pas trop de questions. Peut-être certains hypocrites, comme dans l’Évangile d’aujourd’hui, jouaient-ils un rôle devant les hommes sans se convertir en profondeur. Aujourd’hui, chez les musulmans, l’observance du ramadan tient aussi beaucoup à la surveillance exercée par la communauté sur les fidèles. Nous pouvons rendre grâce à Dieu de ne pas connaître cela.

En ce qui me concerne, le minimum exigé de moi, c’est de jeûner aujourd’hui et le vendredi saint (encore que la plupart d’entre nous en soient exemptés pour raison d’âge) et de m’abstenir de viande les vendredis. Pour le reste, je suis libre de ma démarche de Carême. Je suis libre, donc je suis responsable ; responsable devant le Seigneur de prendre ou non les moyens pour devenir juste, c’est-à-dire pour m’ajuster à la volonté de Dieu.

Les moyens, nous les connaissons, nous les avons reçus du Seigneur Jésus : l’aumône, la prière, le jeûne. Le Carême implique notre corps, notre chair. La foi chrétienne n’est pas une religion cérébrale, une religion désincarnée. L’authenticité de ma vie évangélique se vérifie dans le concret : ce dont je me sépare pour en faire bénéficier les autres, le temps que je brûle dans la prière, les efforts proportionnés que je fais pour me détacher des biens.

Tous ici, nous faisons déjà preuve de générosité et merci à tous ceux qui donnent de leur argent et de leur temps, que ce soit pour les œuvres paroissiales ou d’autres. Tous ici, nous avons déjà une vie de prière sérieuse et régulière. Tous ici, nous savons pratiquer l’ascèse afin de mieux nous attacher au Seigneur.

Le P. Henri Caffarel, le fondateur des Equipes Notre-Dame, écrivait ceci : « Si vous savez aimer, vous savez ce qu’est l’ascèse. Les pratiquants de l’amour sont pratiquants de l’ascèse, nécessairement. L’ascèse […] est l’exigence fondamentale de l’amour […]. Amour et ascèse sont les deux faces de la même réalité […]. Et si l’amour humain exige l’ascèse, à combien plus forte raison l’amour envers Dieu ! »

À propos du jeûne, n’allons pas trop vite le spiritualiser, et ainsi le vider de son sens. Le Seigneur nous a donné un corps et ce corps aura lui aussi part à la gloire du Ciel. Faisons confiance à la pédagogie du jeûne corporel concret : si un effort pour restreindre notre consommation de sucreries, d’alcool ou de gâteaux salés nous semble inimaginable… c’est probablement le signe qu’il est indispensable. Jeûner de quelque chose, c’est bien, mais jeûner pour quelque chose, c’est encore mieux : moins de télévision pour plus de lecture, moins de bavardage pour plus d’intériorité, moins d’internet pour plus d’attention à nos proches.

 Aumône, prière et jeûne : en ce temps de Carême, le Seigneur m’invite à faire un peu plus dans ces trois domaines ; mais surtout à me poser la question : pour qui fais-tu cela ? Pour qui ton aumône ? Pour qui ta prière ? Pour qui ton jeûne ? Est-ce pour soigner ton image devant les hommes ? Est-ce pour te regarder toi-même ?

Si mon aumône, ma prière et mon jeûne ne me conduisent pas vers le Seigneur, c’est qu’ils ont encore besoin d’être purifiés. Et ils le seront à condition que je les remette au Seigneur au début du Carême :

« Seigneur, fais que ce Carême soit pour moi un temps de grâce ; fais que mon aumône, ma prière et mon jeûne soient vraiment ouverts à toi. C’est toi, Seigneur, qui m’appelles à la conversion. C’est toi, Seigneur, qui m’attends les bras ouverts au bout du chemin. C’est toi, Seigneur, qui changes mon cœur, me fais devenir juste et me réconcilies avec toi. »

Chers frères et sœurs, je nous souhaite un beau, saint et fructueux temps de Carême, et je nous invite à achever notre journée en méditant le psaume 50. Nous en avons entendu des extraits il y a quelques minutes. Prenons le temps de le relire en intégralité dans nos Bibles, de le méditer afin de voir comment le Seigneur lui-même est à l’œuvre dans le pécheur pénitent, qui revient à lui :

« Pitié pour moi, mon Dieu… efface mon péché… lave-moi de ma faute… purifie-moi… crée en moi un cœur pur… renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit… rends-moi la joie d’être sauvé… ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange… amen ! »

Père Alexandre-Marie Valder