On demande des Jean le Baptiste et des André
Frères et sœurs, dans quelques minutes, je vous présenterai le Seigneur, sous les apparences du pain et du vin. Pour vous, je serai un peu Jean le Baptiste : « Voici l’Agneau de Dieu ; voici celui qui enlève les péchés du monde. » Et vous serez un peu des André en allant vers Jésus qui enlève les péchés du monde. Nous croyons à la rémission des péchés, et c’est pourquoi nous ne craignons pas de parler du péché.
Beaucoup d’hommes et de femmes nient la réalité du péché. Ils ne veulent pas croire qu’une telle automutilation de l’âme soit possible. Ils ne veulent pas croire que la personne qui se dresse contre Dieu se coupe d’elle-même et des autres. Instruits par le Seigneur, nous osons dire que le péché est le pire fléau qui soit sur la terre. Tous les maux qui défigurent l’humanité et le monde ont tous leur racine dans cette révolte de l’être humain contre Dieu que l’on appelle le péché.
Si nous n’avons pas peur de parler du péché, c’est parce que nous savons que nous ne sommes pas sans solution et que, comme saint Jean l’écrit, « lui, Jésus, s’est manifesté pour enlever les péchés (1Jn 3,5). » Encore faut-il, comme André, reconnaître et s’approcher de celui qui porte et enlève les péchés du monde.
Jésus-Christ est le Sauveur. Il n’y en a pas d’autre que lui. Il est l’Agneau de Dieu. C’est lui le Serviteur souffrant entrevu par le prophète Isaïe, celui qui, comme un agneau muet, se laisse conduire à l’abattoir, chargé des péchés du monde entier. C’est lui aussi l’agneau pascal qui a versé son sang, non plus pour marquer les portes des Hébreux, mais pour laver les cœurs des baptisés.
Cela, nous ne pouvons pas le trouver tous seuls. Il faut que d’autres nous le montrent, cet Agneau de Dieu qui porte et enlève les péchés du monde. Jean le Baptiste a posé son regard sur Jésus qui allait et venait, et il l’a désigné à ses disciples en disant : « Voici l’Agneau de Dieu. » Par son enseignement et son exemple, Jean avait patiemment préparé André et l’autre disciple à suivre Jésus.
Mille ans auparavant, il a fallu l’aide du prêtre Eli pour que Samuel reconnaisse la voix du Seigneur. Nous venons de l’entendre : « Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur, et la parole du Seigneur ne lui avait pas encore été révélée. » Samuel entendait la voix du Seigneur, mais il ne l’aurait pas reconnue sans l’aide d’Eli.
Il en est de même pour Paul dans la deuxième lecture, qui aide ses amis les Corinthiens à reconnaître la présence du Seigneur jusque dans leur propre corps : « Le corps… est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps… Ne le savez-vous pas ? Vos corps sont les membres du Christ… Ne le savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint… Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps. »
Heureusement qu’Eli, Jean le Baptiste et Paul ont eu le courage de montrer à d’autres le Seigneur qui était là. Aujourd’hui encore, le Seigneur est là et on demande des Jean le Baptiste, des parents, des grands-parents, des éducateurs qui le montrent, qui enseignent à l’écouter, à lui répondre et à le suivre.
C’est comme une langue que l’on transmettrait, une langue faite de mots, et aussi de gestes, d’attitudes, et même de choses : le pain, le vin, l’huile, l’eau, les parfums, le feu, les cendres, la pierre, les tissus, les couleurs, etc. Cette langue, beaucoup de parents ont refusé de l’apprendre à leurs enfants. Le pape François dit que l’homme moderne est devenu analphabète. Il ne comprend plus le langage symbolique.
Lorsque je m’adresse à Dieu, je parle le langage symbolique. Le signe de croix que je trace sur moi exprime ma confiance dans le salut obtenu par le sacrifice de Jésus, dans l’amour inconditionnel de Dieu pour moi ; l’agenouillement me permet de reconnaître la grandeur de Dieu et le besoin que j’ai de lui ; le silence, mieux que tous les mots, me permet de dire que Dieu est là, que je le laisse parler et agir.
Dieu, de son côté, parle aussi ce langage symbolique. Son amour, son pardon, sa présence, il me les dit par les mots de la Bible et par ces gestes que l’on appelle les sacrements, des paroles de Dieu si concrètes et si puissantes qu’elles transforment la matière, l’eau, le pain, le vin, l’huile et les personnes.
Frères et sœurs, la langue de Dieu n’est ni l’arabe, ni le grec, ni le latin. La langue que Dieu parle avec les hommes et les femmes, ce sont ces symboles où notre foi reconnaît Dieu. Nous chrétiens, nous avons l’immense chance de parler la langue de Dieu. Ne le cherchons pas ailleurs que dans ces paroles et ces gestes tout simples : le signe de croix avec ou sans eau bénite, l’agenouillement ou le geste d’adoration dont nous sommes capables, le silence, le chant, la parole biblique lue dans l’Église, le pain et le vin que nous offrons et qui deviennent pour nous le corps et le sang du Christ, le baptême et le pardon sacramentel, etc. Si nous le cherchions ailleurs, nous le manquerions.
Ce jour-là, Jean le Baptiste a regardé Jésus, il a dit « Voici l’Agneau de Dieu » et ses disciples ont suivi Jésus. Et si André et l’autre disciple n’avaient pas répondu à cet appel ? Et si Samuel n’avait pas suivi les conseils d’Eli ? Et si les Corinthiens ne s’étaient pas convertis à la parole de Paul ? On demande des Jean le Baptiste qui montrent Jésus et des André qui s’approchent de lui.
Dans quelques minutes, je serai pour vous Jean le Baptiste en vous montrant l’Agneau de Dieu et, comme André et l’autre disciple, vous pourrez vous approcher du Seigneur. À d’autres moments, d’autres sont pour moi des Jean le Baptiste, par exemple le prêtre à qui je me suis confessé récemment, et, grâce à lui, j’ai pu m’approcher du Seigneur. À d’autres moments, vous serez des Jean le Baptiste pour vos enfants, petits-enfants, amis, voisins qui, grâce à vous, pourront s’approcher du Seigneur.
Soyons des Jean le Baptiste qui montrent le Seigneur. Soyons des André qui s’approchent de l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde entier. Amen.
Père Alexandre-Marie Valder