Pas de trésor sans champ
Le royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ. Avez-vous remarqué le problème ? S’il s’agissait seulement d’un trésor comme les autres caché dans un champ comme les autres, il aurait suffi à l’homme qui l’avait découvert de l’emporter avec lui. Tout se passe comme si on ne pouvait pas profiter du trésor sans le champ dans lequel il est caché, comme dans la fable de la poule aux œufs d’or.
Dans la foi chrétienne, on retrouve souvent deux éléments liés ensemble et qu’on ne peut pas ni séparer ni confondre. On ne peut pas aller à Dieu et en même temps rejeter son Fils par qui il se révèle à nous. On ne peut pas connaître le Fils de Dieu et en même temps mettre de côté l’homme concret qu’est Jésus de Nazareth. On ne peut pas vivre en communion avec le Seigneur Jésus et en même temps refuser la communion avec l’Église qui est son Corps. On ne peut pas désirer le contact avec la grâce de Dieu et en même temps s’éloigner des sacrements qui en sont le moyen ordinaire. On ne peut pas rechercher la vie éternelle et en même temps négliger la vie d’aujourd’hui qui la prépare, ce serait comme dire : « Seigneur, je veux vivre avec toi pour toujours, mais pas aujourd’hui. »
On ne peut pas avoir le trésor sans le champ. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de trésor, ou que le trésor, ce n’est rien d’autre que le champ. Il ne faut ni séparer le trésor et le champ, ni les confondre.
Un champ, c’est précieux : en le travaillant avec soin, on peut lui faire produire du fruit. Et pourtant, Jésus nous parle d’un véritable trésor caché dans le champ, quelque chose d’inattendu, quelque chose qu’aucun champ ordinaire ne peut produire, quelque chose qui justifie qu’on vende tout ce que l’on possède pour acheter CE champ-là et pas un autre. Le trésor est bien davantage que le champ !
Quel est ce trésor ? Le Seigneur Jésus nous dit que le royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ : le royaume des cieux est quelque chose de si précieux que cela vaut la peine de faire des efforts et des renoncements en vue de lui. Le Seigneur nous dit encore que le royaume des cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines, et aussi que le royaume des cieux est encore comparable à un filet… qui ramène toutes sortes de poissons, et enfin que l’on peut devenir disciple du royaume des cieux.
Et si le royaume des cieux, ce n’était pas quelque chose ? Et si le royaume des cieux, c’était Quelqu’un ? Quelqu’un dont on peut devenir disciple, Quelqu’un qui attire à lui toutes sortes de personnes, Quelqu’un qui a accepté de tout sacrifier, même sa propre vie, pour acquérir la perle de grande valeur qu’est chacun de nous, Quelqu’un dont la rencontre met le cœur en joie au point de renoncer à tout pour le trouver ?
Et si Jésus lui-même était le royaume en personne ? Le Seigneur Jésus est comparable à un trésor caché dans un champ, et quel trésor ! Il est le chemin, la porte qui nous donne accès à la Trinité. Saint Paul le dit d’une autre manière : Ceux que, d’avance, Dieu connaissait, il les a destinés à être configurés à l’image de son Fils, pour que ce Fils soit le premier-né d’une multitude de frères, et il leur a donné sa gloire. Frères et sœurs, nous n’espérons rien de moins que de voir Dieu face à face, de le toucher du doigt, d’avoir part à sa propre vie. Le royaume des cieux, ce n’est pas quelque chose que Dieu donne en restant à distance des humains ; le royaume des cieux, c’est Dieu lui-même qui nous recherche, qui nous attire à lui, qui se donne à nous.
Jésus est lui-même ce royaume comparable à un trésor caché dans un champ. Quant au champ, c’est le lieu où nous pouvons découvrir la présence de Jésus.
Tout baptisé peut découvrir Jésus dans son cœur. Saint Paul écrit que le Christ habite en vos cœurs par la foi (Ep 3,17). » Lorsque nous faisons silence, lorsque nous prêtons attention à sa présence, nous le découvrons en nous. Plus nous nous efforçons de purifier notre cœur de ce qui l’encombre et le salit, plus nous entendons clairement la voix du Seigneur. On peut aussi découvrir Jésus dans la méditation attentive de la Bible. Il dit lui-même que ce sont les Écritures qui lui rendent témoignage (Jn 5,39). Dans la communion avec nos frères et sœurs dans l’Église, nous découvrons Jésus : Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux (Mt 18,20). Dans ceux et celles qui souffrent et qui se trouvent sur notre chemin, nous découvrons Jésus : Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! (Mt 25,35-36). Enfin, nous découvrons Jésus dans les sacrements de l’Église, où lui-même est présent et agissant.
Le champ où l’on découvre Jésus, c’est tout cela en même temps : prière silencieuse et liturgie ensemble, lecture de la Bible et partage en communauté, conversion personnelle et attention aux pauvres et aux plus petits.
Travailler un champ, cela demande de la patience et de l’effort. Découvrir Jésus aussi, cela demande de la patience et de l’effort. Patience et effort de prendre le temps de prier chaque jour… Patience et effort de faire silence… Patience et effort de lire régulièrement la Bible… Patience et effort de rejoindre les autres chrétiens pour prier ensemble le dimanche… Patience et effort d’apprendre les mots de la messe et leur sens… Patience et effort de reconnaître ce qui est bien et ce qui est mal, de faire ce qui est juste et de rejeter ce qui est injuste, comme les pêcheurs qui trient les poissons dans la parabole du filet… Patience et effort pour confesser ses péchés régulièrement… Patience et effort pour donner de son temps, de son argent au service des autres… Patience et effort pour aller à la rencontre des autres au lieu de rester bien tranquille chez soi…
Patience et effort pour aimer Dieu chaque jour, dans l’espérance en la promesse : tout contribue au bien de ceux que Dieu aime et appelle selon son dessein d’amour.
Père Alexandre-Marie valder