Prophètes au milieu d’eux
Prophètes au milieu d’eux
« L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ; il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. » Cette parole du prophète Isaïe, Jésus l’a reprise à son compte le jour où il est revenu prêcher dans son village natal. Depuis toujours, le Seigneur appelle et consacre des hommes et des femmes afin qu’ils soient ses témoins, les porteurs de sa parole.
Au jour de notre baptême et de notre confirmation – il n’est jamais trop tard pour se préparer à l’un ou à l’autre – , nous avons reçu cette même onction, ce même Esprit Saint, cette même mission d’être témoins de Dieu et porteurs de sa parole.
En effet, notre monde a besoin de témoins, aujourd’hui plus que jamais. Chrétiens-prophètes, nous vivons dans un pays qui a presque totalement oublié et rejeté le Dieu véritable, le Dieu Amour, le Dieu fait homme, le Dieu crucifié, le Dieu vainqueur de la mort, et qui est en train de s’étouffer avec les idoles qu’il s’est fabriquées.
Ailleurs dans l’Évangile, le Seigneur Jésus affirme que nous sommes sel de la terre et lumière du monde. Notre mission de chrétiens, c’est de donner du goût à la vie et d’apporter de la lumière dans les ténèbres, d’être, par nos paroles et nos actions, des signes de la présence et de l’action de Dieu dans le monde, d’être, comme nous y invite le pape François, des germes d’espérance pour ceux qui en manquent.
Voici quelques exemples de ces germes d’espérance.
Ces prêtres de tous âges qui restent fidèles à la prière, signes vivants que cela vaut la peine de brûler du temps chaque jour devant le Seigneur, alors qu’il y aurait tant de raisons d’employer le temps autrement.
Ces chrétiens qui consacrent leur énergie aux plus petits, aux sans-voix, à ceux que le monde considère comme négligeables. Je pense tout spécialement à ceux qui militent à contre-courant de la société pour la défense de la vie de la conception à la mort naturelle et aussi aux hospitaliers de Lourdes. Ils sont des signes vivants de l’infinie dignité de toute personne humaine : embryon, personne malade ou handicapée, vieillard, etc.
N’oublions pas non plus les parents et grands-parents qui transmettent la foi aux enfants, les catéchistes, ceux et celles qui préparent au baptême, au mariage, ceux et celles qui prêchent et qui enseignent.
Tous ces exemples, et bien d’autres encore, illustrent la vocation prophétique que nous avons reçue à notre baptême.
Parce qu’il est d’abord un auditeur patient de la parole de Dieu, un familier de Dieu, le chrétien-prophète peut apporter un regard neuf sur les événements : le regard de la foi. Dans la Bible, le prophète n’est pas d’abord celui qui prévoit l’avenir, mais celui qui voit et fait voir la présence de Dieu dans le passé et le présent, dans les moments de joie et dans les temps d’épreuve.
Le baptême est un moment de joie. Nous célébrons la naissance d’un enfant, son entrée dans le monde et son accueil dans la famille. Le regard de la foi pénètre plus profondément encore. Le nouveau baptisé est reçu dans la grande famille de ceux qui, depuis Abraham, écoutent Dieu qui parle aux hommes, ceux qui savent que Jésus-Christ est mort et ressuscité pour eux, ceux qui accueillent activement ce don et en vivent.
Célébrer l’eucharistie ensemble est aussi un acte prophétique. Nous qui sommes différents, nous choisissons d’interrompre nos activités pour faire ensemble quelque chose qui ne sert à rien, mais qui en vaut la peine. Nous nous rassemblons en ce lieu, sûrs que Dieu est là où nous sommes réunis en son Nom. Nous écoutons la parole, sûrs que Dieu nous parle ici et maintenant. Nous présentons nos intentions de prière, sûrs que Dieu nous écoute. Nous offrons nos vies sur l’autel avec le pain et le vin, sûrs que Dieu les accueille. Nous communions au corps et au sang du Christ, sûrs que Dieu se donne à nous jusque là.
Notre mission prophétique s’exerce aussi et surtout dans les épreuves de la vie. C’était déjà le cas pour Ezékiel à l’époque de l’Exil. Il est envoyé comme prophète à un peuple vaincu, déporté, découragé, et même rebelle. Qu’allons-nous devenir ? Où est Dieu ? Et Ezekiel d’assurer que le Seigneur n’a pas abandonné son peuple. À nous de croire qu’il demeure avec son Église qui est en France.
Paul lui aussi a vécu sa part d’épreuves : faiblesses, insultes, contraintes, persécutions, situations angoissantes, etc. Il ose pourtant regarder tout cela avec espérance : « je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. » Ce qui paraît faiblesse est en réalité force ; ce qui paraît échec – la croix de Jésus – est en réalité triomphe ; ce qui paraît mort est en réalité naissance ; ce qui paraît achèvement est en réalité commencement.
Cette mission prophétique, ce témoignage de foi, est au cœur de nos célébrations de funérailles. Se retrouver, se soutenir, évoquer le défunt, c’est tout naturel. Nous, chrétiens-prophètes, nous osons parler d’espérance, de l’accomplissement et de la valeur d’une vie – fût-elle courte ou marquée par la souffrance – de la rencontre d’une personne avec son Dieu.
Les plus grands prophètes ont toujours été les moines et les martyrs, dont la vie et la mort ne peuvent absolument pas s’expliquer sans la foi au Dieu de Jésus-Christ. Méditons sur le témoignage des moines et moniales qui sont des signes vivants de la présence de Dieu. Confions au Seigneur les martyrs d’aujourd’hui qui, spécialement en Orient, choisissent de souffrir et de mourir par attachement au Seigneur Jésus.
Si je suis devant vous aujourd’hui, c’est entre autre grâce au témoignage discret d’une femme qui, lorsque j’étais adolescent, m’a montré que l’on pouvait être à la fois éduqué et profondément croyant. Pensons aux témoins, modestes ou éclatants, dans nos villages comme sur d’autres continents, prêtres, religieux, parents, catéchistes, serviteurs et priants, grâce auxquels nous avons reçu et gardé la foi. Gloire et louange au Père, et au Fils et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.
Père Alexandre-Marie Valder