« Revêtue de force et de splendeur, elle sourit à l’avenir. »

« Revêtue de force et de splendeur, elle sourit à l’avenir. »

Ne cherchez pas ce verset dans les lectures d’aujourd’hui ; il n’y est pas, et c’est bien dommage. Vous le trouverez néanmoins si vous lisez la totalité du poème sur la femme parfaite, à la fin du livre des Proverbes. Nous n’en avons entendu que quelques extraits ce matin.

« Une femme parfaite, qui la trouvera ? » Ce texte superbe n’est pas d’abord un manuel de la parfaite ménagère. Lisons-le plutôt comme une illustration d’une vie fondée sur une véritable confiance dans le Seigneur. « C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour », nous rappelait le pape François dans son exhortation apostolique du mois dernier.

La véritable confiance dans le Seigneur n’est pas une assurance qui nous endort dans une confortable oisiveté. La véritable confiance dans le Seigneur pousse à l’action, justement parce que le Seigneur appelle à veiller, parce que nous croyons qu’il est avec nous lorsque nous travaillons à son règne, et surtout parce que nous espérons avec une ferme confiance que tout ce que nous semons d’authentiquement évangélique aujourd’hui portera du fruit pour l’éternité.

La véritable confiance dans le Seigneur pousse donc à l’action. Le poème sur la femme parfaite nous la montre toujours à l’œuvre du matin jusqu’au soir. Elle travaille et elle fait travailler les autres. Elle sait tirer profit des situations favorables et défavorables. Elle possède à la fois le discernement pour bien choisir sa laine et son lin et le courage pour les travailler, sans oublier d’ouvrir largement la main en faveur du pauvre. « Elle rayonne de force et retrousse ses manches ! »

À propos de cette femme, image idéale de celle qui a mis sa confiance dans le Seigneur, le poème dit aussi ce verset que je citais : « Revêtue de force et de splendeur, elle sourit à l’avenir. » Si la femme peut sourire à l’avenir, c’est bien sûr parce qu’elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour le préparer. C’est surtout parce qu’elle a mis sa confiance en Un Plus Grand qu’elle.

 Frères et sœurs, ce n’est pas parce que nous sommes dignes de confiance que le Seigneur nous fait confiance. C’est parce que le Seigneur nous fait confiance que nous pouvons dire : « Je suis digne de confiance. » Il y a quelques semaines, à Taizé, nous avons écouté le témoignage du frère Jean-Daniel. Tout juste arrivé comme volontaire pour quelques semaines, il s’est vu confier les clés du garde-manger de la communauté ; bien des années plus tard, il se souvenait encore combien cette marque de confiance l’avait profondément touché.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, nous sommes peut-être passés un peu vite sur la première phrase : « C’est comme un homme qui partait en voyage : il appela ses serviteurs et leur confia ses biens. » Le maître confie ses biens, il les transmet, il les livre à ses serviteurs. C’est le même mot grec que lorsque le Père livre son Fils. Du côté du maître, tout est donné, sans calcul, sans réserve.

Le troisième serviteur a-t-il mesuré à quel point tout était remis entre ses mains ? Sans doute pas. À la reddition des comptes, les deux premiers serviteurs commencent par prendre acte du don reçu : « Seigneur, tu m’as confié n talents. » Le troisième serviteur, lui, a des idées bien arrêtées sur son maître : « Seigneur, je savais que tu es un homme dur. » Il est bon et même vital pour nous chrétiens de toujours chercher à mieux connaître le Seigneur, mais cette connaissance doit toujours rester ouverte à la surprise. Nous pouvons connaître Dieu en vérité. Attendons-nous cependant à être toujours surpris. Ne faisons-nous pas déjà cette expérience avec nos amis, avec nos enfants et avec notre époux ?

 Frères et sœurs, je ne sais pas si vous l’avez remarqué : il y a une deuxième femme dans les lectures d’aujourd’hui. Saint Paul écrit aux Thessaloniciens : « Quand les gens diront : “Quelle paix ! quelle tranquillité !”, c’est alors que, tout à coup, la catastrophe s’abattra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte : ils ne pourront pas y échapper. »

Ce n’est pas que j’aie beaucoup d’expérience dans le domaine mais… quand on est enceinte, on s’attend à accoucher, n’est-ce pas ? À ce moment-là adviennent les douleurs auxquelles on ne peut s’échapper en pensant à autre chose. La femme qui accouche est saisie tout entière. De même, lorsque le Seigneur viendra, il sera impossible de regarder ailleurs et d’attendre que les choses se passent.

D’un autre côté – et, encore une fois, je ne parle pas d’expérience –, il me semble que ce qui prime dans la grossesse et l’accouchement, c’est la promesse de vie. « La femme qui enfante est dans la peine parce que son heure est arrivée, disait Jésus à propos de sa passion. Mais, quand l’enfant est né, elle ne se souvient plus de sa souffrance, tout heureuse qu’un être humain soit venu au monde (Jn 16,21). » Forte de cette promesse de vie, la femme enceinte, comme la femme parfaite du poème, peut envisager l’avenir avec confiance. « Revêtue de force et de splendeur, elle sourit à l’avenir », mais pas forcément le matin au lever…

 Et nous dans tout ça ? Comme les serviteurs, nous avons reçu un don précieux que le Seigneur nous a livré sans retour : un ministère de diacre ou de prêtre, un époux, une épouse, des enfants, des petits-enfants, un métier, des talents. Comme la femme enceinte, nous avons reçu une promesse de vie au jour de notre baptême : il y a eu et il y aura des douleurs, mais la vie aura le dernier mot. Comme la femme parfaite, avec confiance, retroussons nos manches pour préparer l’avenir.

Comment ? Notre baptême nous donne ce pouvoir de transformer toute chose en matériau de construction pour le Royaume. T’arrive-t-il du bien ? Rends grâce au Seigneur. T’arrive-t-il des épreuves ? Appelle-le au secours. As-tu des ennemis ? Prie pour eux. Y a-t-il des gens heureux autour de toi ? Réjouis-toi avec eux. Y a-t-il des gens éprouvés ? Pleure avec eux. Ouvre grand les yeux et les oreilles, car Dieu est présent en toute chose. Chaque événement est une parole de Dieu.

Avec ce pain et ce vin, c’est toute notre vie que nous allons déposer sur l’autel. L’Esprit-Saint va y descendre pour les sanctifier et les diviniser. Amen.

Père Alexandre-Marie Valder