Trois leçons de sagesse chrétienne

Trois leçons de sagesse chrétienne

Trois leçons de sagesse chrétienne

Cette semaine, j’ai été amené à feuilleter une revue à propos de la manière dont le bouddhisme apporte des réponses aux grandes questions humaines. Cela a soulevé une question en moi. Pouvons-nous en dire autant de l’Évangile ? Sommes-nous convaincus qu’il éclaire les grandes questions que se posent les humains : la vie, la mort, le bien, le mal, le sens des épreuves, la place de l’être humain dans l’univers, etc. ?

À l’origine, l’Évangile a progressé depuis Jérusalem de communauté en communauté au fur et à mesure que les hommes et les femmes, Grecs et Ibères, Celtes et Berbères, Romains et Assyriens, esclaves et gens libres, ont reconnu que la vie chrétienne est une sagesse qui aide à vivre.

La vie chrétienne n’est rien d’autre que suivre le Christ, le Chemin, la Vérité et la Vie. Cela prend rarement des formes extraordinaires. Les chrétiens ont les mêmes joies et les mêmes épreuves que les autres : nous travaillons et nous nous reposons ; nos familles sont tantôt unies, tantôt divisées ; nous avons, en résumé, des amis, des amours et des emmerdes, comme tout le monde… sauf que nous essayons de les vivre en tant que disciples de cet homme singulier en qui nous reconnaissons le Seigneur Dieu lui-même, la Parole de Dieu faite chair.

Sous des dehors tout ordinaires, nos existences à la suite du Christ sont en réalité extraordinaires, comme ces hosties de pain sans beauté ni éclat qui deviennent présence du Christ lorsque viennent sur elles la Parole et l’Esprit de Dieu. « Qui aurait connu ta volonté si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ? C’est ainsi que les sentiers des habitants de la terre sont devenus droits ; c’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés. »

Une première leçon de sagesse chrétienne pourrait être celle-ci : l’être humain a raison, comme l’écrit le Concile Vatican II, de se sentir « illimité dans ses désirs et appelé à une vie supérieure » (GS 10.1). Mon désir de grandeur et d’absolu n’est pas une illusion à dissiper. C’est une chose belle et bonne, mise en moi par Dieu lui-même. La magnanimité, la grandeur d’âme, est une vertu chrétienne. En vérité, je suis fait pour bâtir de hautes tours et remporter de grandes victoires. Je suis capable d’apprécier ce qui est beau, de connaître ce qui est vrai, d’aimer ce qui est bien, capable de Dieu.

Si le Seigneur a « donné la Sagesse et envoyé d’en haut [son] Esprit Saint », ce n’est pas pour que cette Sagesse et cet Esprit se perdent dans la terre mais pour qu’ils viennent faire leur demeure dans l’humanité et en chaque personne. Lisons attentivement ce que S. Paul dit à propos de l’esclave Onésime : « Mon enfant à qui, en prison, j’ai donné la vie dans le Christ. » En recevant l’Évangile et le baptême, Onésime a reçu la vie qui est dans le Christ, le Vivant par excellence.

Comme toute personne, je suis fait pour bâtir de hautes tours et remporter de grandes victoires. Une existence sainte tissée de bienveillance et d’humble service, c’est une haute tour. Une initiative qui rétablit la paix ou qui résout une injustice, c’est une grande victoire. Une vie de prière fervente et régulière, c’est une haute tour. Un quotidien de plus en plus affranchi de la colère, de l’égoïsme, de l’orgueil, de la cupidité, de la jalousie et des autres manifestations du péché, c’est une grande victoire. Traverser les épreuves avec patience et se relever, c’est à la fois une haute tour et une grande victoire.

Sur ce chemin de bâtisseur et de conquérant, je ne peux pas ne pas rencontrer la croix, cette croix dont parle le Seigneur Jésus : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. » Lui-même a voulu passer par la croix pour nous montrer qu’elle est inévitable.

« Tout de même, c’était plus facile pour lui, non ? » Pas si sûr.

En Dieu, il n’y a pas trace de ténèbre, aucune complicité avec le mal. Chaque péché lui est un étonnement et un scandale. Lui que rien ne peut contenir s’est fait  homme singulier et limité. Lui qui est tout-puissant a voulu connaître la peur et la colère, la tristesse et l’angoisse, la souffrance et l’impasse. Lui qui est immortel est mort. Lui qui n’est qu’amour a voulu être submergé par la haine du monde.

La croix, qu’elle prenne pour nous l’apparence de l’isolement, de la maladie, de la douleur ou de la mort, est inévitable, et elle est un scandale. Ce n’est ni une illusion, ni la conséquence de l’imperfection des créatures, ni la contrepartie inévitable du bien, ni même un mauvais moment à passer. Elle est le coup d’arrêt imposé à mon désir d’une vie grande, belle et pleine.

La deuxième leçon de sagesse chrétienne, c’est que le mal, la souffrance et la mort pour toute personne sont à la fois inévitables et scandaleux. Devant eux, l’homme est démuni. C’est pourquoi il ne fallait rien de moins que Dieu lui-même pour l’affronter en l’assumant et en la transformant de l’intérieur.

Car ma croix est toujours aussi et avant tout celle du Christ. Par conséquent, elle est toujours en vue de la résurrection et de la gloire. Comme S. Paul pour Onésime, ceux qui nous ont baptisés nous ont donné la vie dans le Christ, et cette vie est LA Vie, la Vie éternelle, sans mélange de mal, de souffrance, de péché.

La troisième leçon de sagesse chrétienne tient en ceci : ne pas avoir peur de porter sa croix chaque jour telle qu’elle se présente, puisqu’avec la croix vient toujours le Seigneur Jésus, homme véritable en qui habite la plénitude de la divinité, le seul qui puisse nous porter jusqu’à la Vie en plénitude en vue de  laquelle nous sommes faits. À lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.

Père Alexandre-Marie Valder