Soyons ce que nous sommes et soyons le bien !
Chers frères et sœurs, nous sommes dans les derniers jours du temps pascal. Durant ces dernières semaines, nous avons fait mémoire de la passion du Christ, de sa mort, de sa résurrection, de son ascension à la droite du Père. Nous allons bientôt célébrer le don de l’Esprit à la Pentecôte. Passion, mort, résurrection, ascension et don de l’Esprit constituent le mystère pascal du Christ, mystère dans lequel nous avons été plongés au jour de notre baptême.
Il y a dix ans, le pape François écrivait que « l’identité chrétienne, qui est l’étreinte baptismale que nous a donnée le Père quand nous étions petits, nous fait aspirer ardemment… à l’autre étreinte, celle du Père miséricordieux qui nous attend dans la gloire. Faire en sorte que notre peuple se sente comme entre ces deux étreintes est la tâche difficile mais belle de celui qui prêche l’Évangile (Evangelii Gaudium n°144). »
Je vais m’efforcer de remplir cette « tâche difficile mais belle ». Que nous disent les lectures d’aujourd’hui de la merveille qu’est notre consécration baptismale ?
Frères et sœurs, être chrétien, c’est d’abord accepter d’être mis à part.
Méditant sur le mystère de l’Ascension à la fin de son Jésus de Nazareth, le pape Benoît XVI écrivait que Jésus s’élève vers le Père en bénissant ses disciples, et que « [ses mains] qui bénissent sont comme un toit qui nous protège », l’expression de « la relation durable de Jésus avec ses disciples, avec le monde », « la raison permanente de la joie chrétienne ».
Le toit que forment les mains de Jésus fait penser à cette chambre haute dans laquelle se réunissaient les Apôtres, avec Marie, avec des femmes et l’ensemble des premiers disciples. Luc nous dit que « tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière. » La prière est la mission première et essentielle que nous avons reçue à notre baptême : prier pour nous-mêmes, prier pour nos proches, prier pour ceux qui souffrent et ceux qui font souffrir, prier pour ceux qui ne prient pas, prier pour rien, tout simplement pour faire la joie de notre Père.
Dans l’Évangile que nous venons d’entendre, Jésus prie : « Père… j’ai manifesté ton Nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. »
Par notre baptême, nous avons été donnés, confiés, consacrés au Seigneur Jésus, remis entre ses mains. Saint Paul ose adresser aux chrétiens ces paroles exigeantes : « Vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car vous avez été achetés à grand prix (1Co 6,19-20) », « Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur (Rm 14,7-8). »
Dans sa Règle, saint Benoît recommande d’examiner avec sollicitude le candidat à la vie monastique pour savoir « s’il cherche vraiment Dieu (Règle 58.7) ». Frères et sœurs, on pourrait en dire autant de tout chrétien : s’efforce-t-il de chercher Dieu et de le trouver en toute chose ? L’enjeu n’est rien moins que la vie éternelle : « la vie éternelle, dit Jésus, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. »
Chrétiens, baptisés, nous ne cherchons pas Dieu dans le vide, nous ne cherchons pas un dieu inconnu et sans visage ; nous cherchons le Père de notre Seigneur Jésus-Christ.
Chercher Dieu est une aventure passionnante. La vie monastique, en apparence terne et plate, prend du relief et des couleurs parce qu’elle est une course avec le Christ vers le Père dans l’Esprit Saint. Et cela vaut pour toute vie chrétienne. Nous avons besoin de faire une place pour le Seigneur dans nos vies : une place pour un vrai silence de qualité, un espace où le Seigneur pourra se faire entendre, une place pour la méditation de la Bible dans laquelle le Seigneur nous adresse la parole.
Cette recherche de Dieu ne nous éloigne pas du monde. Nous nous en retirons un peu pour mieux revenir à lui avec un regard neuf, y retrouver la présence du Seigneur Jésus et pouvoir le faire connaître à chacun. Je pense à cette personne à qui l’on avait si souvent dit qu’elle était sans valeur et sans importance. Un chrétien a pu lui dire : « Jésus lui aussi a été considéré comme sans valeur, sans importance, sans dignité. Il est passé par là, lui aussi. Tu n’es pas seul. »
Frères et sœurs, l’onction de Saint-Chrême reçue à notre baptême et à notre confirmation a fait de nous des consacrés, des hommes et des femmes mis à part pour le Seigneur. Je cite à nouveau les paroles de Jésus : « Père… tu [les] as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés. »
Par le baptême, la confirmation et l’eucharistie, nous sommes unis au Christ. Nous sommes le corps du Christ. Nous sommes les membres du Christ à l’œuvre dans le monde. Nous sommes les pieds du Christ pour le porter à la rencontre de ceux qui ne le connaissent pas encore. Nous sommes les mains du Christ pour toucher les plaies du monde. Nous sommes le visage du Christ pour regarder toute personne comme il la regarde. Nous sommes les oreilles du Christ pour écouter les joies, les peines et les questions du monde. Nous sommes la voix du Christ pour encourager, réconforter, avertir, conseiller, redonner l’espérance.
Notre mission de baptisés consiste en ceci : premièrement rendre gloire au Père et intercéder pour le monde, deuxièmement chercher le Père, le connaître et le faire voir à l’œuvre dans le monde, troisièmement être les membres du Christ qui poursuivent son œuvre au service des plus petits.
Notre mission de baptisés tient en trois mots que nous connaissons tous : prêtre, prophète et roi. « Soyons donc ce que nous sommes, disait saint François de Sales, et soyons-le bien. »
Père Alexandre-Marie Valder