En ce jour de Noël « Que faut-il dire aux hommes »?
« Que faut-il dire aux hommes ? » soupirait Antoine de St Exupéry.
Nous fêtons Noël, nous désirons la joie, et d’ailleurs, nous sommes faits pour la joie !
Et on a même, aujourd’hui, en cette fête, des raisons de nous réjouir!…
… pour toi, Dieu s’est fait homme (!). Ce n’est pas : Dieu, il aime tout le monde, comme ça, de manière impersonnelle,… Dieu aime chacun.
Et alors que veulent dire ces mots sombres, dans la Parole du jour: « le joug », « la meurtrissure » d’un peuple, d’un peuple qui marchait dans des « ténèbres », comme un peuple plongé dans la honte, l’humiliation ?… Israël a connu cette humiliation de petit peuple, humiliation de peuple occupé, humiliation à cause de ses propres infidélités aussi, au Dieu Unique, au Dieu Vivant, au Dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob.
Et il y a, dans un livre ( 1Sm 2) de la Bible, aussi ce témoignage d’une femme, Anne; celle-ci se sent humiliée, elle est remplie d’amertume, car elle est stérile. Où est la fécondité de ma vie ? Elle « épanche son âme devant le Seigneur ». Anne finit par enfanter un fils, qui sera le jeune prophète Samuel. Anne va exulter :
» Mon cœur exulte à cause du Seigneur; mon front s’est relevé grâce à mon Dieu! »
« Mon front s’est relevé grâce à mon Dieu »… Anne est aussi la figure de nos vies que nous jugerions parfois sans fécondité, et que Dieu veut habiter.
Oui, c’est notre histoire humaine, ce sont nos histoires humaines souvent blessées, parfois meurtries, que Dieu vient visiter, en prenant notre chair.
Notre chair, pétrie de la terre, animée de manière unique par notre souffle unique, notre chair qui soupire vers son bonheur, tout en éprouvant sa fragilité, notre chair est désormais habitée, telle qu’elle est, par Dieu lui-même, Dieu fait homme.
C’est aujourd’hui.
Un aujourd’hui qui dure depuis 2000 ans et qui dure encore, afin que s’achève entièrement ce mystère d’Alliance entre Dieu et les hommes! Oui, le Fils de Dieu « a scellé l’Alliance du ciel et de la terre » ( Bén d’envoi).
Oui, Dieu s’est manifesté! Le reconnaissons-nous? Et s’il se manifestait de la même manière qu’il y a 2000 ans parce que nous voulons des signes, est-ce qu’on le recevrait ? Lui, qui n’a pas été reçu, ou quasiment pas, par les siens ?
Ne passons pas à côté de cette Bonne Nouvelle, à côté d’un tel Amour fou, oui, qui nous dépasse! Acceptons-nous humblement d’être dépassé ?
D’ailleurs, quand on y songe, notre désir profond d’être aimé et d’aimer gratuitement, fidèlement, jusqu’au bout, n’est-il pas fou lui aussi ( ce désir au fond de nous) ?
Nous ne nous croyons pas dignes ? Insignifiants ? Une personne m’a dit cela une fois : « avec la vie que j’aie, tous ces « trucs de Dieu », ce n’est pas pour moi! »… Et bien, si, précisément, Dieu est venu tout spécialement pour toi !
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les bergers, ces mal-considérés à l’époque, ces pas -trop fréquentables, sont les premiers à être envelopés de la grande lumière, « comme ça », c’est gratuit!, les premiers à qui l’ange annonce la venue du Sauveur, et attention, manifesté de manière complètement renversante : « vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire »...
Beaucoup de grands, de puissants n’auraient pas fait le chemin « pour ça »! Un sauveur ça doit être impressionnant, non ? Un super-héros, ou un futur prince entouré et défendu !…
« Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire »…
Saurons-nous reconnaître le Fils de Dieu à travers la personne vulnérable, à travers ces minuscules étincelles de bonté chez celui qu’on croyait insignifiant, ou même chez celui qu’on croyait définitivement endurci ? Pour cela, il nous faut prendre la décision, oui, le décision, régulière, de quitter le bruit permanent, la fascination permanente, le défilé d’images permanente qui sature nos coeurs et nous empêche d’écouter nos vraies soifs, profondes.
Oui, Dieu est descendu jusqu’aux plus « petits », jusqu »au plus insignifiant aux yeux de ce monde. Et il accomplira sa mission de « dernier » jusqu’au bout! …
« Oh, moi, je ne crois pas à ces enfantillages pour nous rassurer! »
-« On me l’a déjà dit, pourrait répondre Jésus.
« Le mépris, les moqueries ?
C’est déjà fait. J’ai tout pris.
La mise à mort « de Dieu » ?
On me l’a fait bien avant aujourd’hui!… J’ai pris. Je prends sur moi.
Parce que c’est bien trop lourd pour vous.
Crucifié ? C’est déjà fait. Jusque dans vos refus, vos cœurs endurcis, je reste lié! Pour toujours !
Un jour, tu reconnaîtras mon visage, de l’eau jaillira de la roche la plus dure – des coeurs les plus durs parmi les hommes.
Parce que vous êtres faits pour cet Amour fou qui vous dépasse ».
Quelle dignité avons-nous sans le savoir ! Nul besoin de trop s’agiter fiévreusement, nul besoin de jouer aux petits dieux sans cesse avide de performance et de reconnaissance, nous sommes déjà infiniment plus qu’ une biologie » à conserver à tout prix ou à rendre plus performante, toujours plus performante,…et toujours plus inquiète d’elle-même.
Quittons nos peurs, quittons nos sentiments d’amertume, c’est au moment où nous nous croyons à terre, dans la poussière, que Dieu nous relève de la poussière, et c’est même avec cette poussière qu’Il nous rebâtît, nous restaure à son Image.
Oui, dans le pays de l »ombre, laissons resplendir cette grande Lumière. Laissons Jésus-Christ, le prince de la paix apaiser nos cœurs et nous rendre la joie!
Marc Haeussler, prêtre