À partir de huit fautes, ça passe ou bien ?

À partir de huit fautes, ça passe ou bien ?

« En ce temps-là, Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : “Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ?” » On ne va pas se mentir : ce que Pierre a derrière la tête, c’est plutôt : « Seigneur, à partir de quand puis-je enfin me venger de mon frère ? Si à la huitième faute je lui colle une baffe, c’est bon ? Oh allez, à partir de huit fautes, ça passe ou bien ? »

« Vendredi, j’ai mangé de la viande, mais je n’ai pas mangé de chocolat : ça passe ou bien ? Dimanche je n’irai pas à la messe, mais j’y étais allé mercredi : ça passe ou bien ? La messe, la prière, tout ça, j’ai laissé tomber, mais j’ai quand même fait mon baptême, ma communion et ma confirmation : ça passe ou bien ? »

Il serait tellement plus facile de vivre avec un dieu comptable, un dieu qui nous dirait : « Ceci est interdit. Cela est obligatoire. Le reste, ça passe. » Mais ce dieu-là n’est pas Dieu. Le vrai Dieu ne tient pas de comptes ; le vrai Dieu fait miséricorde, toujours, toujours.

« Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » : 70×7, c’est-à-dire 490 ! La réponse de Jésus n’est pas à prendre au pied de la lettre. Imaginez si nous avions notre petit carnet pour tenir le compte des fautes des autres : « Alors, pour la boulangère, avec aujourd’hui, ça nous fait 300 tout rond. Quant au voisin du dessus, on en est à 483… ha ha ! bientôt l’heure des comptes, tu vas voir ce que tu vas voir ! »

Au contraire, la réponse de Jésus nous oblige à changer de regard. Plus de comptes. La seule et unique règle de vie, le commandement nouveau, c’est : « Aimez-vous les uns les autres, COMME je vous ai aimés. » Le regard du Seigneur est un regard de miséricorde : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. »

Frères et sœurs, tenons-nous sous le regard de miséricorde du Seigneur. Ce regard est très concret : il a pris chair en Jésus de Nazareth. Comme l’écrivait le pape François en inaugurant le jubilé de la Miséricorde : « Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier. »

Lorsque nous prions, fixons notre attention sur une image de Jésus, ou bien faisons défiler dans notre imagination des images tirées de l’Évangile : Jésus le bon berger qui porte la brebis perdue sur ses épaules ; Jésus qui bénit les enfants, attentif à chacun ; Jésus qui regarde, qui interpelle, qui touche, qui embrasse, qui relève ; Jésus qui trône dans le Ciel et qui nous assure : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » ; et même Jésus qui avertit les pharisiens, qui réprimande Pierre, qui chasse les marchands du Temple, jamais par méchanceté, mais toujours pour remettre sur le chemin de la vraie vie.

Plus important que tout, n’ayons pas peur de regarder Jésus sur la croix. La croix est le lieu où le Seigneur dit à toute personne, vraiment toute personne : « Tu as du prix à mes yeux, et moi je t’aime ! »

Le mystère de la miséricorde « est source de joie, de sérénité et de paix […]. La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie. La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de son péché. » Qui que tu sois, où que tu en sois, tu es aimé inconditionnellement.

Frères et sœurs, la miséricorde du Seigneur est plus qu’un bon regard de cocker posé sur chaque personne. Parce que Dieu n’est qu’amour et miséricorde, il œuvre concrètement pour faire miséricorde.

Bien des personnes, et même des chrétiens, se comportent comme si la vie éternelle était un droit, comme si partager la vie de Dieu pour l’éternité était normal, comme si Dieu nous devait bien ça après notre mort. Il n’en est rien. Il y a un abîme entre la condition humaine, limitée et marquée par le péché, et la vie de Dieu. Cet abîme, Dieu l’a franchi ; il est venu en personne chercher l’homme séparé de lui, et il lui en a coûté cher : Jésus est mort sur la croix pour toi, car tu as du prix aux yeux du Seigneur. Mais attention : Jésus est mort sur la croix aussi pour ton frère, ta sœur. Eux aussi ont du prix aux yeux du Seigneur.

« Comme le Père aime, ainsi aiment les enfants. Comme il est miséricordieux, ainsi sommes-nous appelés à être miséricordieux les uns envers les autres. » Tout baptisé est ce serviteur à qui une dette écrasante a été remise. La parabole est en fait une question : « Le Seigneur t’a fait miséricorde parce qu’il t’aime. Et toi, vas-tu faire miséricorde à ton tour ? »

Avant le commencement du monde, le Seigneur t’a aimé d’un amour éternel et au jour de ton baptême, il t’a fait bénéficier du salut que Jésus a obtenu au prix de ton sang. Jésus a donné sa vie pour ton frère : toi, montre-lui quel prix il a pour Dieu.

Même l’homme juste pèche sept fois par jour (cf. Pv 24,16), et pourtant le Seigneur lui pardonne ; sa miséricorde se renouvelle chaque matin (cf. Lm 3,22-23) et tu peux en faire l’expérience dans le sacrement du Pardon. Tu n’es pas un saint, et pourtant Jésus continue de te pardonner inlassablement : toi aussi, fais de même !

Le Seigneur t’appelle à vivre avec lui dans une éternité de joie. Il appelle aussi celui qui a commis une, sept ou cent fautes contre toi. Celui à qui tu en veux aujourd’hui sera demain auprès de toi : pourquoi ne pas lui pardonner dès aujourd’hui ?

Frères et sœurs, tenons-nous sous le soleil lumineux et radieux de la miséricorde du Seigneur. Accueillons son regard de pardon et de paix lorsque nous lui chanterons tout à l’heure :  « Agneau de Dieu, qui enlèves les péchés du monde, prends pitié de nous et donne-nous la paix ! »