Connais ton frère. Aime ton frère. Gagne ton frère.

Connais ton frère. Aime ton frère. Gagne ton frère.

 

Le passage du prophète Ezékiel que nous avons entendu s’inscrit dans un récit un peu plus déployé. Allez lire le texte complet, et vous verrez que le Seigneur commence par convoquer une image. Lorsqu’une ville est sous la menace d’une guerre, on désigne alors une sentinelle chargée de faire le guet. Quand elle voit approcher le danger, la sentinelle donne l’alarme afin que tous se mettent à l’abri. Si l’un des habitants ne tient pas compte de l’alarme et vient à perdre la vie, tant pis pour lui. Si par contre la sentinelle manque à son devoir, que le danger survient sans qu’elle donne l’alarme et que des habitants viennent à perdre la vie, alors la sentinelle devra répondre du sang versé par sa faute.

Et c’est là que vient notre passage : « Fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël. » Le prophète est cet homme appelé pour avertir du danger, pour veiller, au nom du Seigneur, sur ses frères et sœurs.

Au jour de notre baptême, nous avons été oints d’huile sainte, nous avons été unis au Christ prêtre, prophète et roi. Tout chrétien, tout disciple, est constitué guetteur en faveur de ses frères et sœurs : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. »

 

Frères et sœurs, en réfléchissant à la parole que je voulais vous adresser, je me suis trouvé devant une difficulté. Le Seigneur Jésus nous invite clairement à veiller les uns sur les autres, à pratiquer la correction fraternelle comme un geste de charité mutuelle ; et pourtant, je crois que, si je prêchais  sur ce thème afin de nous inviter à nous avertir les uns les autres, à nous exhorter mutuellement à la charité, à nous entreporter – selon le beau mot de saint François de Sales – vers la charité, mon homélie sonnerait « bien gentille mais pas applicable ». Je voudrais donc prendre un chemin détourné. La marche est trop haute ? Je nous apporte un escabeau.

Bien sûr, il y a une légitime pudeur qui reconnaît humblement le mystère d’autrui. À mes yeux, mon frère a commis un péché, mais est-ce que je connais le tout de la réalité ? Thérèse de Lisieux raconte cette anecdote. On appelle une volontaire pour une tâche à la porte du monastère. Thérèse, pour lui faire plaisir, laisse la place à l’une de ses sœurs. Ce que voyant, les autres sœurs se moquent de sa lenteur et de sa paresse. Thérèse conclut : « O mon Dieu que vos jugements sont différents de ceux des hommes! C’est ainsi que nous nous trompons souvent sur la terre, prenant pour imperfection dans nos sœurs ce qui est mérite devant vous ! »

Bien sûr, il y a aussi cette conviction bien ancrée qu’il n’existe pas de vérité universelle, que ce qui est vrai pour l’un peut-être faux pour l’autre, que ce qui est bien pour l’un peut-être mauvais pour l’autre. Méfions-nous de ce relativisme qui attiédit notre foi.

Cependant en plus de la légitime pudeur et du relativisme, il y a un troisième élément, et c’est sur celui-ci que je souhaite nous interpeller. Anecdote. L’autre jour, je prenais le frais devant le presbytère. Arrivent Eric et Jean-Pierre – les prénoms ont été changés – ; ils se croisent : « Bonjour monsieur. _ Bonjour monsieur. » Eric et Jean-Pierre sont tous les deux des piliers de la paroisse, mais ils ne se connaissent pas. Frères et sœurs, comment pouvons-nous construire une communion où Eric, Jean-Pierre et nous-mêmes pourrons nous entreconnaître et nous entraimer suffisamment pour nous entravertir et pouvoir ainsi nous entreporter vers la sainteté ?

 

Frères et sœurs, vivre en communion avec Dieu et les uns avec les autres n’est pas une option, mais une mission, un devoir. Je conclurai avec une série de mercis et un trio de « pourquoi pas ? ».

Merci tous ceux et celles qui œuvrent pour que nous soyons liés les uns aux autres, tous les serviteurs de la communion de notre paroisse. Merci à ceux qui nous font chanter ensemble. Merci à ceux qui prêtent leur voix afin que nous puissions écouter ensemble la Parole de Dieu, plutôt que de la lire chacun de son côté, penchés sur notre Prions en Eglise. Merci à ceux qui œuvrent en coulisse, pour que nous puissions mentionner les noms des défunts à la messe et être en communion avec eux. Merci à ceux qui manifestent concrètement la communion de l’Église auprès des pauvres et des malades. Merci à ceux qui donnent du temps pour nos événements de convivialité. Merci à ceux qui annoncent la Bonne Nouvelle de la communion avec Dieu aux enfants, aux adolescents, à toute personne. Merci tout spécialement aux serviteurs de la communion que sont Micheline et Richard, comme coordinatrice et économe. Merci à notre nouvel économe et merci d’avance à celui ou celle qui acceptera la belle responsabilité de coordination paroissiale : encore un service de la communion, afin que nous ne soyons pas simplement des usagers de la paroisse, mais des membres d’une même communion.

La communion n’a pas grand-chose à voir avec le vivre-ensemble prôné par la société ; la charité fraternelle n’a pas grand-chose à voir avec la tolérance. La charité qui permet la communion est bien davantage que vivre les uns à côté des autres en évitant de trop déranger ses voisins. Un disciple de Jésus digne de ce nom ne peut pas s’estimer satisfait de juste « ne pas faire de mal, enfin pas plus que ça. » Ce qui fait la différence entre charité et tolérance, entre communion et vivre-ensemble, c’est la sortie de soi. Alors…

Pourquoi pas… sortir de moi pour aller à Dieu en consacrant davantage de temps à la prière personnelle cette année ?

Pourquoi pas… sortir de moi pour aller rencontrer les autres paroissiens lors des événements festifs ? La rentrée paroissiale aura lieu dimanche prochain à Ludres : nous vous y attendons nombreux et ouverts à la rencontre.

Pourquoi pas… sortir de moi, de mon petit confort, de ce dont je me crois capable, pour accepter une mission inattendue au service de la communion ? Faisons nôtre la devise de notre nouvel évêque : « Viens dehors ! »

Alexandre-Marie Valder