Homélie 20 juin
« Qui donc a retenu la mer avec des portes, quand elle jaillit du sein primordial ? […] Et je lui dis : « Tu viendras jusqu’ici ! tu n’iras pas plus loin, ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ! »
Couchée la mer !
On rit, mais c’est vraiment ce dont il s’agit : les récits bibliques qui dépeignent la création du monde montrent le Seigneur assignant leur place aux eaux d’en-haut, qui sont au-dessus du firmament, et aux eaux d’en-bas, qui forment la masse de la mer, comme un homme ferait comprendre au chien qu’il n’est pas question de monter dans les chambres, sinon ça va mal se passer. Aux temps anciens, lorsque chaque peuple avait son propre dieu, un dieu des troupeaux pour les peuples d’éleveurs, un dieu des moissons pour les peuples d’agriculteurs, un dieu de la mer pour les peuples de marins, Israël ose affirmer que le Seigneur son Dieu impose sa loi à toute la création.
Nous le savons sans doute, mais souvenons-nous en : le peuple juif n’est pas un peuple de marins. Pour les Juifs, la mer est un monde mystérieux et dangereux, remplis de monstres marins, comme le fameux Léviathan. Dans le langage de la Bible, la mer symbolise la mort.
Or ce qu’affirme la Bible dans cet extrait du livre de Job, et aussi dans le psaume que nous avons entendu, c’est que Dieu détient tout pouvoir sur la mer, donc sur la mort, pour secourir et sauver les hommes qu’Il aime. « Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse, réduisant la tempête au silence, faisant taire les vagues. » Dieu ne se comporte pas devant les forces de la mort comme un homme qui lutte contre un autre homme de force égale, mais comme un maître qui dispute un caniche qui aboie.
« Silence, tais-toi ! » Ce sont bien les mots qu’adresse Jésus au vent et à la mer. Aussi, nous comprenons bien que, lorsque les disciples le voient agir avec autorité et puissance pour les secourir et les sauver et qu’ils se demandent « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? », la réponse est contenue dans la question : qui est-il donc, celui qui agit comme seul Dieu peut le faire ?
Parler avec autorité pour mettre une limite au pouvoir du mal et de la mort, c’est bien. Mais le Seigneur veut faire bien davantage que cela : la mort doit être définitivement vaincue. Voilà quel est le projet du Seigneur pour le monde. Aujourd’hui, Jésus fait taire le vent et les vagues d’une parole. Quelques pages plus loin, l’évangéliste Marc nous raconte comment Jésus a marché sur les eaux de la mer, en vainqueur, en triomphateur. Et dans les dernières pages de la Bible, au livre de l’Apocalypse, le Seigneur fait voir à saint Jean à quel monde nouveau il est en train de donner naissance et l’apôtre le décrit en ces termes : « Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. »
Plus de mer, donc plus de mort dans ce monde nouveau.
« Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. »
Alexandre-Marie Valder, prêtre
Prêtons bien attention aux paroles de la prière eucharistique que nous allons entendre tout à l’heure : « Pour accomplir le dessein de ton amour, il s’est livré lui-même à la mort, et, par sa résurrection, il a détruit la mort et renouvelé la vie. » Qui est-il donc, celui-ci, pour que même la vie et la mort lui obéissent ? Il est le Seigneur Dieu, le Sauveur de tous les hommes.
C’est lui que nous allons recevoir dans quelques minutes. Lui qui a autrefois fait taire la tempête se fait aujourd’hui tout petit entre nos mains. Il vient demeurer en nous pour rester auprès de nous tout comme il était autrefois auprès de ses disciples. Lorsque notre vie connaîtra des tempêtes – et il y en aura ! – osons l’appeler à l’aide, il viendra nous secourir et nous sauver, car il est tout proche, il est Dieu, le Seigneur, le Sauveur des hommes, hier comme aujourd’hui et pour les siècles des siècles. Amen.