Homélie père Alexandre-Marie de la nuit de Noël

Homélie père Alexandre-Marie de la nuit de Noël

Qui parmi nous prévoit de participer à la messe de l’aurore, demain vers 7h30 ? Personne ? Je peux donc vous raconter la suite de l’Évangile sans vous gâcher la surprise : les bergers vont croire à la bonne nouvelle qui leur a été annoncée et se mettre en route pour Bethléem ; ils vont trouver l’enfant couché dans la mangeoire et raconter tout ce qui leur a été dit à son sujet.

Méditons ensemble sur l’exemple des bergers. Ils étaient dans la nuit, ils ont osé écouter la Bonne Nouvelle, ils ont cru et se sont mis en route. Tirons-en trois leçons.

 Les bergers passaient la nuit dehors. Noël, pour les chrétiens, n’est pas une fête pour oublier la nuit, une fête pour faire, pendant deux jours, comme si tout allait bien. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière » : Noël, nous l’avons entendu, commence dans les ténèbres.

Et des ténèbres, il y en a aujourd’hui : la guerre déclarée en Ukraine, en Arménie et ailleurs, les épidémies, les crises, l’isolement, la peur du lendemain.

On nous encourage à fuir ces inquiétudes par la surexcitation du quotidien, la suroccupation, la surconsommation. Nous remplissons nos agendas et nos placards tant nous avons peur du vide. N’ayons pas peur du vide, de la nuit, du silence. En un mot, n’ayons pas peur de la prière.

C’est notre dignité d’être humains de choisir de nous arrêter pour consacrer du temps à ce qui n’est pas utile, pas productif, pas rentable : juste faire silence et offrir du temps à Dieu. Beaucoup croient que la prière les éloignerait du réel. Au contraire, elle nous éloigne de ce qui nous éloigne du réel : l’agitation, le bruit, la consommation. La prière permet d’entendre Dieu qui, dans le silence, apporte une Parole inattendue.

 Et justement, les bergers ont osé écouter une Parole inattendue. Les bergers étaient sans doute en train de jouer, peut-être de parler de femmes et de courses de chars, peut-être en train de dire du mal de leurs dirigeants et des Romains qui occupaient leur pays.

Et voilà que l’Ange apporte une nouvelle, LA Bonne Nouvelle : Dieu n’a pas oublié son peuple, il est venu le sauver. Et plus encore : Dieu, le Créateur, le Seigneur, s’est fait petit enfant dans une mangeoire. Inattendu, incroyable, impossible et même inadmissible !

Aujourd’hui, nous n’avons plus l’habitude d’être bousculés. Nos chaînes de télévision, mais surtout les réseaux sociaux, nous abreuvent de publications choisies pour nous conforter dans nos convictions et nous enfermer dans un monde où tout le monde pense comme nous. Un jour, j’ai regardé une vidéo de chats, ou de foot, ou de cuisine, et l’on continuera à m’envoyer le même genre de vidéos. Si j’ai peur de la guerre, ou des maladies, ou de la crise écologique, je vais lire des sites qui en parlent, et les réseaux vont m’aiguiller constamment sur les mêmes sites qui vont me confirmer que j’ai bien raison d’avoir peur.

Certainement que les échanges des bergers autour de leur feu tournaient en rond. Les mêmes bergers passant leurs soirées ensemble, nuit après nuit, se racontant les mêmes histoires de bergers, les mêmes blagues de bergers, les mêmes potins de bergers, et soudain BAM ! : « Voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple. »

Seule la Parole de Dieu apporte de la vraie nouveauté. Elle seule vient briser la roue de hamster où je me suis enfermé : les dix chats les plus mignons de 2022, les dix crimes les plus sordides, les dix plus belles actions de Mbappé, les dix bonnes raisons d’aimer ou de détester M. Macron ou n’importe quel autre personnage public.

Je nous lance un défi pour 2023 : et si nous remplacions chaque jour quinze minutes de chaîne d’info en continu, ou de réseaux sociaux, par quinze minutes avec la Bible ? Au lieu d’entendre que tout va de plus en plus mal, qu’il vaut mieux rester chez soi et tuer le temps, je pourrais entendre une Parole de vérité qui pointe vers l’essentiel, qui réconforte et qui encourage, qui pousse à se mettre en route et à agir.

 Les bergers ont cru à la Parole de Dieu. Sans tout comprendre, sans tout maîtriser, ils ont osé faire confiance à la parole qui leur avait été dite : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur. »

L’ange annonce aux bergers qu’un Sauveur leur a été donné et ils y courent. Un chrétien est quelqu’un qui, sur la foi de la Parole de Dieu, est convaincu de deux vérités : il a besoin d’être sauvé et surtout il est « sauvable ». L’Évangile nous préserve de deux illusions qui peuvent nous pourrir la vie.

La première, c’est de croire que tout va bien, que nous n’avons pas besoin d’être sauvé, pas besoin des autres, pas besoin de Dieu. C’est pourquoi, au début de notre célébration, nous avons commencé par reconnaître que nous faisons parfois le mal et nous avons demandé à Dieu de nous pardonner et à nos frères et sœurs de prier pour nous.

La deuxième illusion est encore pire : c’est de croire que nous sommes irrécupérables, qu’il n’y a rien de bon à tirer de nous. C’est tout bonnement faux : Dieu est venu dans le monde pour chacun. Chacun, où qu’il en soit aujourd’hui, peut, comme les bergers, se mettre en route, faire le point sur sa vie, recevoir un pardon, donner un pardon, renouer avec Dieu.

 Pour ce faire, retenons trois éléments de notre méditation de ce soir : faire silence pour donner du temps à Dieu dans la prière, découvrir ou redécouvrir la Parole de Dieu dans la Bible, et éclairés, par cette Parole, agir pour nous approcher du Seigneur qui, il y a 2000 ans, est venu à notre rencontre.

Père Alexandre-Marie Valder