Le nom … l’appel …

Le nom … l’appel …

J’ai été frappé par la présence dans les lectures d’aujourd’hui du thème du nom et de l’appel. Dans deux semaines seront célébrées les confirmations à Neuves-Maisons. L’un des rites de la confirmation est l’appel du nom : quelqu’un – votre serviteur en l’occurence – appellera chaque jeune par son prénom et celui-ci se lèvera et répondra « Me voici ! »

Il y a un appel du nom également au moment du baptême et au moment de l’ordination. En fait, on mentionne le prénom de la personne dans presque tous les sacrements. Au mariage – encore heureux – c’est encore par son prénom que Dagobert s’adresse à la dame de ses pensées en lui demandant : « Cunégonde, veux-tu être mon épouse ? », et Cunégonde de répondre : « Oui, je veux être ton épouse. Et toi, Dagobert, veux-tu être mon époux ? »

Les sacrements ne sont pas de pures images, des représentations symboliques de quelque chose qui n’existe pas. Les sacrements ne sont pas non plus de la magie, comme s’ils pouvaient produire leur effet sans nous ou malgré nous. Si à l’appel de son prénom, le candidat au baptême, à la confirmation ou à l’ordination ne se lève pas en répondant « me voici », tout s’arrête. À travers notre prénom, c’est toute notre personne qui est accueillie par Dieu et sanctifiée par l’Esprit-Saint.

Ce jour-là, Jésus a appelé : « Zachée, descends vite ! » Alors Zachée est descendu et il a rencontré le Seigneur et l’a accueilli dans sa maison. Qu’est devenu Zachée après cette rencontre ? Mystère… Nous pouvons être sûrs qu’il n’a jamais oublié la manière dont Jésus avait prononcé son prénom. « Zachée, descends vite ! »

Pensons au moment où Jésus, après une nuit de prière, a réuni ses disciples et appelé parmi eux les douze Apôtres : « Simon-Pierre ! _ Me voici ! _ André ! _ Me voici ! _ Jacques ! _ Lequel ? _ Les deux ! » Blague à part, je crois que le Seigneur a appelé de telle manière que chacun a senti que c’était bien à lui que Jésus parlait.

Il y a tout cela dans le prénom que nous portons. La promesse que nous avons faite le jour de notre mariage, l’appel personnel qui nous a été adressé le jour de notre confirmation, de notre baptême.

Il y a plus encore. Dans la première lecture, tirée du livre de la Sagesse, le sage s’interroge devant Dieu : « Comment quoi que ce soit aurait-il subsisté, si tu ne l’avais pas voulu ? Comment serait-il resté vivant, si tu ne l’avais pas appelé ? »

Il y a un appel de Dieu qui précède notre propre existence. Avant même que nous soyons capables de répondre, ou même de comprendre, Dieu nous a appelés à vivre. Lorsque nous ne savons pas quoi dire dans notre prière, faisons silence pour écouter cette parole que Dieu nous adresse depuis toute éternité : « Cunégonde/Dagobert/Jean-Pierre/Thérèse,  je veux que tu vives. »

« Je veux que tu vives. » Ce n’est pas pour m’embêter que Dieu me demande sans cesse de me convertir, mais justement parce qu’il veut que j’écarte ce qui entrave en moi la vraie vie. Le livre de la Sagesse disait : « Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu’ils se détournent du mal et croient en toi, Seigneur. »

Se détourner du mal et mettre sa foi dans le Seigneur. Le candidat au baptême – ou bien son parrain dans le cas d’un petit enfant – déclare qu’il rejette le mal, le péché et tout ce qui y conduit, puis il confesse sa foi en Dieu Père, Fils et Esprit-Saint. Se détourner du mal et mettre sa foi dans le Seigneur, c’est donc la condition préalable au baptême, et c’est en même temps le programme de notre vie chrétienne : on n’a jamais fini de se convertir de nos péchés, de faire le bien, de s’attacher toujours davantage au Seigneur par la foi et la charité.

Je nous avais invités à écouter la voix du Seigneur qui nous dit : « Je veux que tu vives. » Je nous enjoins maintenant à agir, à prendre les moyens d’y répondre : l’un va réaliser que sa vie de prière manque de fidélité, un autre qu’il n’a pas suffisamment pris le temps de comprendre cette foi qui lui a été transmise, un troisième qu’il ne fait pas les efforts nécessaires pour cesser de mentir ou de médire, un quatrième qu’il est invité à grandir dans la douceur et la patience.

Réentendons un extrait de saint Paul, pour vérifier que je ne m’éloigne pas trop des lectures : « Frères, nous prions pour vous à tout moment afin que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé – encore l’appel ! – ; par sa puissance, qu’il vous donne d’accomplir tout le bien que vous désirez, et qu’il rende active votre foi – faire le bien et croire en Dieu. Ainsi, le nom – encore le nom ! – de notre Seigneur Jésus sera glorifié en vous, et vous en lui. »

Être chrétien, ce n’est pas d’abord faire des prières et des bonnes œuvres. Ce n’est même pas imiter le Christ, si l’on entend par là « faire comme lui parce qu’on m’a dit qu’il l’avait fait et qu’il faut le faire aussi. » Être chrétien, c’est vivre cette vie unique et précieuse à laquelle le Père nous a appelés, jeune ou moins jeune, bien portant ou malade, marié ou non, parent ou non, comme un fils, une fille du Père.

De Jésus, nous apprenons ce que c’est qu’être Fils du Père. Jésus n’a pas dit à Zachée de vendre ses biens. Toutefois, en rencontrant Jésus, Zachée a compris que pour vivre, pour  être pleinement le Zachée que le Père appelle à la vie, il lui fallait soulager sa conscience, régler ses comptes et se délester. Et moi, à quoi suis-je appelé ?

Aucun de nous n’est si loin de Dieu qu’il ne puisse pas entendre son appel et revenir à lui. Aucun de nous non plus n’est si proche de Dieu qu’il ne puisse pas s’approcher un peu plus de lui. Je nous invite à nouveau à écouter cet appel personnel que nous adresse notre Père : « Je veux que tu vives » ; je nous invite à agir concrètement pour y répondre ; je nous invite enfin et surtout à faire toujours plus de place à Jésus dans notre demeure par la prière, l’écoute de la parole de Dieu, la conversion de vie.

Lui seul, le Fils bien-aimé du Père, saura faire de Dagobert, de Cunégonde, d’Alexandre-Marie et des autres, peu à peu, par son Esprit, les fils et les filles qu’ils sont appelés à devenir.

Alexandre-Marie, prêtre