Le Seigneur est avec nous !
Frères et sœurs, chaque année, au début du Carême, il nous est donné d’entendre le récit des tentations de Jésus au désert. Comme nous l’avons appris au catéchisme, les quarante jours du Carême renvoient à ces quarante jours que le Seigneur Jésus a passés au désert, dans la prière et le jeûne, en préparation de son ministère public. Ces quarante jours de Jésus au désert renvoient eux-mêmes aux quarante ans du peuple d’Israël dans le désert avant son entrée en Terre Promise.
Quarante, dans la Bible, c’est le chiffre de l’épreuve. Quarante, c’est aussi le nombre de semaines que dure la grossesse. C’est donc le chiffre qui annonce la naissance ou la renaissance. Les quarante jours de Carême nous sont donnés pour renaître et célébrer Pâques avec un cœur renouvelé.
Allons un peu plus loin. Débuter le Carême en entendant le récit des tentations au désert nous rappelle que, lorsque le Seigneur Jésus est venu en ce monde, il y est venu comme dans un pays occupé par l’Ennemi. Dieu a fait le monde par ses mains, par sa parole de vérité et par son souffle de vie ; et ce monde était bon ; et ce monde était beau.
La suite, saint Paul nous la raconte en quelques mots saisissants : « Par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort, et ainsi la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché… et la mort a établi son règne. »
Jésus est venu en ce monde comme dans un pays occupé par l’Ennemi, un pays où règnent la violence, la haine, le péché et finalement la mort. Tout est lié. Pécher, c’est refuser Dieu. Refuser Dieu, c’est refuser l’amour, la vie, la paix, la justice, la vérité, la lumière, la joie.
Dans notre pays, une proportion inquiétante de gens, de jeunes gens surtout, sont dégoûtés de vivre. À quoi bon chercher la vérité ? À quoi bon essayer de changer le monde ? À quoi bon avoir des enfants ? À quoi bon vivre ? Cela nous donne un timide aperçu de ce que serait le monde sans le Seigneur, sans parler des violences, des guerres et des destructions qui ravagent d’autres pays.
Le Seigneur Jésus est venu dans ce monde comme dans un pays occupé par l’Ennemi, celui que l’on appelle le diable. Jésus qui, de toute éternité, est vraiment le Roi de l’Univers, vient arracher ce qui lui appartient de droit aux griffes de l’usurpateur, de celui qu’il appelle « le prince de ce monde ».
Réentendre l’évangile des tentations de Jésus au désert nous remet en mémoire ce qui est en jeu : rien de moins que le monde et tous ceux qui l’habitent. Si nous oublions cela, nous ne comprenons plus rien à l’Évangile. Si nous oublions cela, l’Évangile n’est plus qu’une morale à deux sous pour nous dire qu’il faut aimer, partager, pardonner, être gentils et tendre l’autre joue. L’Évangile, la Bible entière, c’est l’histoire de Dieu qui vient libérer le monde et les hommes tombés au pouvoir du diable, du péché, de la mort.
À cause de qui le monde était-il tombé au pouvoir du diable ?
D’abord à cause de lui, le diable, qui est si habile à tromper pour parvenir à ses fins. Ses paroles suggèrent la méfiance vis-à-vis de Dieu : « Es-tu sûr que Dieu veuille ton bien ? Vraiment ? Il faudrait peut-être mieux que tu ne comptes pas trop sur lui, tu sais. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. » Alors que Dieu avait mis à la disposition de l’homme tous les arbres du jardin sauf un, le diable déforme la parole de Dieu : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ? » Le diable pousse la femme à déformer à son tour le commandement de Dieu en l’exagérant : « Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas. » La méfiance conduit à la désobéissance, la désobéissance au refus de Dieu, au péché et à la mort.
Si le monde est tombé au pouvoir du diable, c’est aussi un peu à cause de chacun de nous. L’histoire de l’homme, de la femme et du serpent se rejoue à chaque instant en chaque personne confrontée à la parole du tentateur. Finalement, il en est du monde comme de ces nombreux pays aux mains d’un dictateur qui a su convaincre son peuple de lui remettre le pouvoir, et dont personne ne parvient plus à se débarrasser.
Cette impasse dans laquelle l’humanité s’était laissé enfermer, Jésus est venu lui-même l’en délivrer. Par ses gestes, sa parole, sa seule présence, il a exorcisé, expulsé, chassé tous les esprits mauvais. Le jour de notre baptême, le prêtre ou le diacre a prononcé sur nous une prière d’exorcisme afin que le diable soit repoussé et que le Christ vienne habiter en nous.
Le Seigneur Jésus est venu dans ce monde comme dans un pays occupé par l’Ennemi. Notre monde et notre personne sont le théâtre d’un combat entre le Seigneur et son adversaire. L’Évangile que nous proclamons n’est pas une gentille morale, c’est l’annonce que ce combat a déjà été remporté par le Seigneur Jésus par la puissance de sa croix victorieuse.
Frères et sœurs, le pape François nous rappelle régulièrement que le diable n’est pas un mythe du passé, ni un croque-mitaine légendaire. C’est une personne qui s’efforce d’égarer les hommes et les femmes loin de Dieu, loin de l’amour et de la vie. Le diable est plus fort que nous. Mais il a déjà perdu le combat. Car nous ne combattons pas seuls.
Notre part à nous, c’est de rester proches du Seigneur Jésus. Nous combattons avec lui et il combat avec nous. Il pourrait tout faire sans nous, et pourtant il désire que nous ayons part à son triomphe, que sa victoire sur le mal soit aussi la nôtre. C’est cela aussi, le Carême : s’attacher à Jésus qui triomphe du diable, du péché, de la mort. La prière, la méditation de la parole de Dieu, les sacrements de la réconciliation et de l’eucharistie sont les moyens par lesquels le Seigneur Jésus vient toucher, éclairer, délivrer ce qui en nous ne lui appartient pas encore.
En silence, prions les uns pour les autres, afin qu’en ce Carême 2023 nous nous laissions approcher et libérer par le Seigneur Jésus. Courage ! Le Seigneur est avec nous ! Amen !