Pâques, nous voilà !
Frères et sœurs, dans quarante jours et quelques, ce sera Pâques, la fête de la résurrection, le jour le plus important de notre année. Permettez-moi de rappeler deux évidences que nous oublions trop souvent.
La première évidence est que le carême est un temps de préparation à Pâques, un chemin qui conduit à Pâques ; c’est cela qui lui donne tout son sens.
Le temps pascal qui court de Pâques à la Pentecôte est une image de la vie éternelle. En célébrant la mort et la résurrection, nous passerons avec Jésus de ce monde dans le cœur du Père. Ce sera déjà une anticipation de la réalisation de notre espérance : être délivrés de tout péché et à l’abri de toute épreuve, ne plus faire le mal et ne plus le subir.
Si le temps pascal est une image du ciel, le carême qui s’ouvre aujourd’hui est lui une image de notre vie en ce monde : mêlée de joies et d’épreuves, avec des tentations, avec la nécessité de lutter chaque jour, de prendre les moyens de rejeter le mal et choisir le bien. Le carême est un temps de préparation et de croissance, comme l’est notre vie d’ici-bas.
La deuxième évidence à propos du carême, c’est qu’il s’agit du temps où nous accompagnons les catéchumènes, les adultes qui se préparent à devenir chrétiens. Dans la nuit de Pâques, ils seront soixante-quatre à recevoir le baptême, la confirmation et l’eucharistie. Prions pour eux et préparons-nous à leur faire bon accueil, quitte à être bousculés dans nos habitudes et nos certitudes.
Pour nous qui sommes baptisés, le carême nous prépare à rénover notre baptême, à en redécouvrir la grâce et à en renouveler les promesses. Il y a quelques jours , j’entendais quelqu’un dire que ce serait bien de pouvoir être rebaptisé, ou de pouvoir revenir à la source de son baptême. Bonne nouvelle : cela nous est proposé chaque année dans la nuit de Pâques, et nous avons quarante jours pour nous y préparer. Comment ?
Frères et sœurs, laissons-nous guider par trois paroles des lectures d’aujourd’hui.
La première, c’est le mot « Père », qui revient six fois dans l’Évangile. Celui qui nous appelle, celui qui nous attend, celui que nous désirons rejoindre, c’est le Père dont Jésus nous fait voir le visage : « Qui me voit, voit le Père », disait-il à ses apôtres.
Découvrons le visage du Père à travers la vie et les paroles de Jésus. « L’expérience de la paternité que tu as eue n’est peut-être pas la meilleure, écrivait le pape François en 2019. Ton père de la terre a peut-être été loin et absent ou, au contraire, dominateur et captatif. Ou, simplement, il n’a pas été le père dont tu avais besoin. Je ne sais pas. Mais ce que je peux te dire avec certitude, c’est que tu peux te jeter avec confiance dans les bras de ton Père divin, de ce Dieu qui t’a donné la vie et qui te la donne à tout moment. Il te soutiendra fermement et tu sentiras en même temps qu’il respecte jusqu’au bout ta liberté. »
Ce Père, c’est celui de la parabole que nous connaissons bien, le père qui se laisse dépouiller de ses biens par le fils prodigue qui va les dilapider, le père qui supporte avec patience la froideur et la rancœur du fils aîné, qui continue d’aimer sans retour l’un et l’autre. Ce Père, c’est celui qui livre son Fils unique pour moi. En contemplant la croix, je commence à mesurer la profondeur de son amour inconditionnel.
La deuxième parole qui nous pourra nous guider durant ce carême, c’est le mot de saint Paul : « Nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. »
En contemplant l’amour inconditionnel du Père manifesté dans la croix, en contemplant le Fils qui expire, les mains, les pieds et le cœur percés à cause de moi, je mesure que je suis éloigné du beau projet que le Père nourrissait pour moi. Bref ! j’ai besoin de réconciliation. Je suis un malade qui a besoin d’un médecin, un égaré qui a besoin d’un guide, un pécheur qui a besoin d’un Dieu qui pardonne.
Quarante jours me sont donnés pour me laisser réconcilier avec Dieu. Même si ce n’est pas facile à entendre, j’ose rappeler une troisième évidence : pour tout baptisé, ce chemin de réconciliation en vue de Pâques passe par le sacrement du pardon où nous laissons le Seigneur consumer en nous les racines du péché.
« Convertissez-vous, et croyez à l’Évangile », entendons-nous en recevant les cendres. Les cendres représentent ma situation au début de ce carême. Elles me mette devant la vérité de ce que je suis : pas grand-chose, une poussière fragile qu’un rien suffit à disperser. Mais si auparavant, j’ai pris le temps de contempler le visage du Père, alors ces cendres deviennent une opportunité : ces cendres, ce presque rien, une fois remis dans la main du Père, peuvent devenir une merveille.
Au long de ces quarante jours, je vais remettre entre les mains du Père ma pauvre prière, mes petits efforts et privations, mes aumônes. Si je ne les lui apporte pas, il ne se passera rien. Ce sera simplement un carême de plus, vite passé. Mais si je joue le jeu du carême, même pauvrement, de quelles merveilles le Père ne sera-t-il pas capable ?
En recevant les cendres, on devrait presque plutôt dire « Croyez à l’Évangile et convertissez-vous. » La logique des choses, c’est d’abord de croire à la Bonne Nouvelle, à l’amour inconditionnel du Père, à son grand projet pour chacun et chacune, et ensuite de se mettre en marche pour répondre à cet appel.
La troisième et dernière parole est celle qui ouvrait la prophétie de Joël : « Revenez à moi de tout votre cœur. » Autrement dit : « Revenez à moi, mais pas à moitié, pas du bout des lèvres, pas en surface. » Nous n’y arriverions pas seuls. Heureusement, nous marchons ensemble, en Église ; et surtout, Jésus marche devant nous et au milieu de nous.
Alexandre-Marie Valder, prêtre